Ce bel objet a une histoire qui remonte à … loin !
Son origine se situerait dans la région de Yushan (province du Sichuan) où l’on trouve des représentations sur des théières en bronze datant de 481 – 221 av. J.-C … même si on peut affirmer que ceux-ci étaient connus en Chine antérieurement.
L’un des huit immortels, Zhong Li Quan, possède un éventail en plumes. On le représente souvent tenant une pêche et un tambour.
Déjà sous la dynastie Jin (265-420), on parle d’éventail. À l’époque, les éventails sont rigides et en plumes (pensez à l’éventail du stratège dans le film « Les Trois Royaumes, une aile d’oiseau.).
Le caractère chinois désignant l’éventail est composé du caractère de la demi-porte (户) , on y retrouve la monture rigide, et du caractère des plumes (羽). Les plus anciens découverts et conservés jusqu’à aujourd’hui sont en bambou.
On a aussi connaissance d’éventails montés sur ivoire, sur ébène, sur écaille de tortue… Soie, papier et feuille d’or participaient aussi aux créations les plus nobles. Leur utilisation première était bien tout simplement de maintenir l’air frais et d’écarter la poussière. Les éventails sont alors des écrans fixes. Des archéologues ont mis à jour des vestiges d’éventail en os, nacre, écaille, plume, bambou, en papier huilé ou en tissu précieux, dans la province du Hubei à Jiangling. L’éventail symbolise aussi le pouvoir impérial, celui des mandarins et de ceux qui ont gagné l’immortalité. Il était donc couramment utilisé lors de cérémonies et accompagnait parfois son propriétaire dans la tombe.
Bien plus tard, apparaissent les éventails pliables, il en existe de tout « bois »… y compris en bois de santal : parfumé, on les laisse dans les placards la nuit afin de chasser les insectes nuisibles (… qui ne manquent pas d’air de venir nicher dans vos armoires !). L’éventail plié s’implanta en Chine sans doute après un petit voyage en Corée).
Plus tard et surtout à partir de la dynastie Tang (618-907) apparaît une nouvelle mode : orner son éventail de peintures ou de poèmes. Les éventails avaient une utilité sociale, permettaient de se cacher le visage, de présenter ou de recevoir un objet, d’accompagner la danse, de battre la mesure, ils étaient aussi offerts en cadeau et servaient à entretenir le souvenir des disparus.
L’utilisation des éventails dans certains arts martiaux (aucun écrit ne permet cependant de dater nettement le phénomène) et dans certaines danses traditionnelles. L’objet s’y prête car il est très esthétique. Du même coup, nombreux sont ceux qui considèrent que l’éventail n’est pas une arme… Tout dépend de la définition que l’on donne à ce mot.
L’éventail est un objet utilitaire « détourné », on se sert de ce que l’on a sous la main, de la même façon que l’on se défendrait avec une canne, un parapluie (et en Normandie, on est donc armé toute l’année !) : d’apparence anodine, on peut utiliser l’éventail comme un bâton court et donc frapper ou bloquer. Et on le sait, il peut arriver qu’un éventail reprenne sa liberté et se retourne contre son propriétaire… Une arme « autonome » alors qui ne s’adresse pas seulement à votre adversaire donc !!!
Maitre Wang Yen Nien (王延年:1914-2008) disait que l’éventail est une arme « saisissante ou surprenante ». Il surprend par le bruit lorsqu’on l’ouvre. Il peut masquer une attaque de poing, tenir à distance. Il peut parer ou détourner une attaque en « capturant » l’arme de l’adversaire. Il pique (et des deux côtés !). Il tranche (avec le fil… du tissu !) : on est bien capable de se couper tout seul avec une feuille de papier !!! Et … (voir divers films chinois) c’est aussi une arme de jet.
L’éventail propose tout un choix de techniques : on y retrouve des techniques de l’épée, du sabre, de la lance, des mains nues… et quelques autres spécifiques à lui-même.
L’éventail « martial », repliant serait une invention japonaise du VIII ième siècle, importé en Chine un siècle plus tard.
On faisait au Japon la différence entre le « gunsen », éventail de guerre en acier qui servait aussi sur le champ de bataille pour communiquer des instructions aux troupes et le « tessen » plutôt réservé aux femmes.
Il est probable aussi que l’éventail permettait aux guerriers et nobles d’être « armés » constamment : lorsqu’il était nécessaire d’abandonner ses lames pour pénétrer à l’intérieur d’une demeure, l’éventail restait autorisé. Porté à la ceinture, il pouvait servir à se défendre…
On parle même de duels gagnés à l’éventail de fer contre une épée !
Importé en Europe au XVI ième siècle par les portugais l’éventail reste pour nous un simple accessoire de mode (ou pas !).