D’après Sun Jian Yun, son père utilisa le Yi Jing (le Classique des Mutations) pour prédire la date exacte et l’heure de sa propre mort. L’année de sa mort (1933), un docteur allemand d’un hôpital occidental examina Sun et déclara qu’il avait le corps d’un homme de 40 ans (alors que Sun était âgé de 73 ans). Peu de temps après, Sun exprima le désir de retourner à Bao Ding, car il n’y était plus allé depuis 17 ans. Lorsqu’il se rendit à Bao Ding, il accepta 18 nouveaux élèves en Tai-chi-chuan et déclara qu’ils seraient ses derniers étudiants. Après leur avoir transmis ce qu’il souhaitait, il retourna à Pékin et annonça qu’il mourrait dans un mois. Un bon ami de Sun venait de décéder récemment, et sa famille pensa simplement que Sun était déprimé et qu’il surmonterait sa tristesse.
À cette époque, Sun Jian Yun prenait soin de ses parents. Le fils aîné et le benjamin étaient déjà morts, et le second fils vivait à Shanghai. Sun Lu Tang dit alors à Sun Jian Yun :
« Nous devrions retourner à Bao Ding maintenant. Je souhaite être inhumé là-bas, et il serait trop compliqué de rapatrier mon corps si je venais à mourir ici. »
Sun, sa femme et sa fille regagnèrent donc le comté de Wan, et Sun cessa de s’alimenter. Il déclara :
« Je suis venu en ce monde vide, et j’en repartirai vide. »
Il restait assis en méditation la plupart du temps et ne désirait que boire de l’eau. Il demanda à sa fille de ne pas pleurer après sa mort. Il lui laissa des instructions concernant ce qu’elle devrait faire une fois qu’il serait parti. Il exprima le souhait de mourir assis. Sa famille devait attendre une demi-heure avant d’allonger son corps, puis son fils et sa fille pourraient pleurer pour lui.
Le jour prévu par sa prédiction, Sun était assis sur une chaise de méditation. Sa famille et ses amis tentèrent de lui parler, mais il ne leur prêta pas attention. Il refusa de porter des vêtements, disant qu’il ne le souhaitait pas. À trois reprises, il ouvrit les yeux pour demander l’heure. La troisième fois, il dit : « Au revoir », ferma les yeux et mourut. C’était le 16 décembre 1933. La pièce où Sun mourut était celle où il était né. La maison, vieille et construite en briques de terre, se trouvait dans son village natal, où il fut enterré. Un an plus tard, sa femme mourut à son tour et fut inhumée près de lui.
Une histoire célèbre raconte que, juste avant de mourir, ses élèves lui demandèrent quel était le secret de la pratique des arts martiaux internes. Selon cette version, Sun aurait tracé un caractère sur sa paume, l’aurait montré à ses élèves, puis serait mort. Le caractère était celui de la « pratique ». Toutefois, Sun Jian Yun, présente lors de sa mort, affirme que cette histoire est fausse. Elle rapporte néanmoins que son père disait souvent que, s’il existait un secret dans les arts martiaux internes, il résidait dans une pratique intense.
Sun Jian Yun raconte également une histoire très mystérieuse concernant la mort de Sun. Trois jours après le décès de son père, elle retourna à Pékin avec sa mère. Le corps de Sun n’avait pas encore été enterré, car la tradition voulait que les funérailles aient lieu 30 à 60 jours après le décès. Les seuls membres de la famille restés sur place vivaient avec le second fils de Sun : sa femme et les veuves des fils aîné et benjamin. Le fils aîné et le troisième fils étaient morts respectivement en 1929 et 1922.
Un jour, peu après le départ de Sun Jian Yun, Sun Cun Zhou rendit visite à des voisins, laissant sa femme seule à la maison. Un étranger d’une trentaine d’années se présenta et demanda si c’était bien la maison de Sun Lu Tang. La femme de Sun Cun Zhou répondit que oui, mais qu’il venait de mourir. Le jeune homme sortit alors une mince enveloppe et dit :
« Il y a plusieurs semaines, j’ai rencontré un vieil homme à la barbe blanche sur un pont. Il m’a demandé de venir, en ce jour précis, remettre cette enveloppe aux proches de Sun Lu Tang. »
La femme prit l’enveloppe, mais ne sachant pas lire, fit chercher son mari. Lorsque Sun Cun Zhou arriva, il regarda le jeune homme et s’exclama :
« Qu’est-ce que cela signifie ? Nous ne vous connaissons pas ! »
Le jeune homme expliqua l’histoire de l’enveloppe, mais Sun Cun Zhou, homme têtu et borné, s’emporta. Il estima qu’un étranger n’avait aucune raison de déranger la famille si peu de temps après la mort de Sun, et lui ordonna de partir avec l’enveloppe. Le jeune homme répondit :
« Si vous refusez cette enveloppe, vous le regretterez. »
Puis il s’en alla.
À cette époque, de nombreux disciples de Sun Lu Tang se trouvaient dans la maison. Furieux que Sun Cun Zhou n’ait pas au moins regardé le contenu de l’enveloppe, ils coururent à la poursuite du jeune homme. Mais lorsqu’ils sortirent, il avait disparu sans laisser de trace.
Sun Jian Yun déclara qu’elle ignorait ce que contenait l’enveloppe, mais restait persuadée qu’elle venait de son père.