Identité et place dans la lignée

Cheng Youxin est le deuxième fils du grand maître Cheng Tinghua (程廷華), fondateur du style Cheng de Bagua Zhang (程氏八卦掌).

Les textes indiquent que, lorsque Cheng Tinghua est tué en 1900 pendant les troubles liés à la révolte des Boxers, son second fils n’a alors qu’environ neuf ans.
On peut donc estimer sa naissance aux environs de 1890–1891, sans que les dates exactes de naissance et de décès soient clairement documentées dans les sources actuelles.

Son surnom  est souvent donné comme 寿亭 (Shòutíng), et il est cité avec son frère aîné Cheng Youlong (程有龙) comme continuateur principal de la branche familiale Cheng.

Le mot 寿亭 (Shòutíng) est un nom personnel chinois, plus précisément un nom de style (字 ), c’est-à-dire un nom honorifique donné à l’âge adulte dans la tradition chinoise.

Sens des caractères

寿 (shòu)

Signifie : longévité – vie longue  – bénédiction de vivre longtemps – prospérité vitale

C’est un caractère très positif, souvent utilisé dans les vœux traditionnels.

亭 (tíng)

Signifie : pavillon, kiosque – lieu de repos et de protection – élégance / beauté d’un pavillon – stabilité, posture droite

Dans les noms personnels, évoque souvent dignité, élégance, stabilité et caractère noble.


Sens global du nom 寿亭

Combiné, 寿亭 donne une idée de :

« Pavillon de Longévité »

« Celui qui incarne la stabilité et une longue vie »

« L’homme au destin long et droit »

« Celui qui protège et dure »

Dans le contexte des arts martiaux et de la Chine traditionnelle, c’est un nom qui évoque respect, droiture et longévité dans la pratique.


Pourquoi portait-il ce nom ?

Les praticiens de haut niveau recevaient souvent un nom honorifique :

Expérience – Respect du clan – Maturité – Qualités morales

Le nom 寿亭 reflète l’image qu’on voulait donner de Cheng Youxin :
un homme stable, digne, protecteur et promis à une longue destinée martiale.


 Formation martiale

Comme il était encore enfant à la mort de son père, que neuf ans, il ne put recevoir la  transmission complète de son père ; mais en tant que fils du maître, il reçut l’enseignement attentif de son frère aîné Cheng Youlong, de son cousin Cheng Yougong et des principaux disciples de Cheng comme Liu Dekuan (lance) et Li Cunyi (épée simple). Cheng Youxin s’entraîna avec une assiduité hors du commun, son dévouement étant inégalé. Pendant des décennies, il pratiquait chaque nuit, développant ainsi des compétences martiales redoutables. Du fait de sa petite taille, il fut surnommé « le Petit » et comptait parmi les trois doyens du monde des arts martiaux pékinois de son époque ! Ses attaques étaient d’une rapidité fulgurante, laissant ses adversaires sans défense car tout petit il adorait voir les mouvements de son père agiles comme un dragon, puissants comme un tigre, vifs comme un aigle et d’une rapidité incroyable .. »  C’est donc l’ensemble du clan Cheng – frère aîné, cousin et anciens disciples (notamment 李文彪 Li Wenbiao, etc.) – qui l’ont formé.

Li Wenbiao (李文彪)

Résultat :

  • son bagage technique est extrêmement vaste ;

  • les sources disent que les formes de paumes qu’il maîtrisait étaient particulièrement nombreuses et complexes.

Il est également décrit comme pratiquant le Bagua Zhang de “bas bassin” (低盘八卦掌), c’est-à-dire avec des postures plus basses, ce qui donnera plus tard une réputation d’excellence technique dans la famille Cheng.

À cette époque, Cheng Youxin prônait l’esprit de « tisser des liens d’amitié par les arts martiaux » et il était irréprochable dans les milieux martiaux de Pékin et de Tianjin.

Lors du tournoi national d’arts martiaux qui s’est tenu à Pékin durant l’été 1958, après la compétition, des dizaines d’entraîneurs et de formateurs de l’équipe du Nord-Est ont rendu visite à Cheng Youxin pour tester leurs compétences.

Au moment où Cheng Youxin s’apprêtait à attaquer, le stagiaire fut projeté en l’air, et l’instant d’après, Cheng Youxin lui attrapa la main et le ramena en arrière.

L’instructeur, surpris, s’agenouilla près de l’élève et lui demanda de l’accompagner dans ses études sous la direction de Cheng Youxin.

À l’époque, Cheng Youxin travaillait dans un magasin d’accessoires d’une coentreprise public-privé à Pékin (aujourd’hui l’usine Beijing Huasi dans le district de Tongzhou, à Pékin), et les employés qui y ont travaillé par la suite ont parlé de la grandeur de Cheng Youxin.


Transmission et enseignement

Après la mort de Cheng Tinghua, la lignée se réorganise :

  • Le fils aîné 程有龙 (Cheng Youlong) enseigne principalement à Pékin.

  • Le second fils 程有信 (Cheng Youxin, 寿亭) enseigne à Tianjin et dans le nord de la Chine.

Une source moderne de la tradition Cheng précise que : « 程有信一生授徒之严,所授技艺之慎……一生授徒近百人,真正入室弟子寥寥无几 »。

« Toute sa vie, Cheng Youxin fut extrêmement strict dans l’acceptation et la formation des élèves, très prudent quant à ce qu’il transmettait. Il a enseigné à près d’une centaine de personnes, mais ses véritables disciples “de la chambre intérieure” furent très peu nombreux. »

Il est donc vu comme un maître très exigeant, peu prodigue de la “moelle” de la boxe familiale, ce qui renforce encore son aura auprès des générations suivantes. Comme élève importante il y eu sa fille Cheng Defeng, qui reçu une formation précoce en Baguazhang au sein de sa famille et représente la quatrième génération de pratiquants. Elle a été présidente d’honneur de la Société de recherche sportive Xuwu Shangde de Pékin, où elle a guidé des générations de pratiquants. En 2019, elle a reçu le prix de la « Contribution exceptionnelle à la promotion du Baguazhang » décerné par le Comité professionnel de Bagua Zhang de l’Association de Wushu de Pékin. Mme Cheng Defeng est décédée en 2021, son fils, Zhang Youyu, fidèle à l’héritage de ses parents et poursuivant l’étude du Baguazhang, réalise le dernier souhait de sa mère en prévoyant la construction du « Mémorial Cheng Tinghua » sur le site de leur ancienne résidence à Pékin. Ce mémorial commémorera les mérites de ses ancêtres et contribuera à la promotion de la culture du Baguazhang. C’est pourquoi il a spécialement conçu et organisé cet événement, intitulé « Cérémonie de lancement préparatoire du Mémorial Cheng Tinghua et hommage à Mme Cheng Defeng, fille du maître Cheng Youxin ».


Contribution technique : les Huit Grandes Paumes et les Soixante-Quatre Paumes

Dans le Cheng-style Bagua Zhang, la structure classique comprend :

  • les Huit Grandes Paumes (八大母掌 / 八大掌) – la base technique « céleste » ;

  • les Soixante-Quatre Paumes (后天六十四掌 / 地支六十四掌) – répertoire de techniques de combat.

Un témoignage important du maître Liu Jingru (刘敬儒), grand représentant actuel du Cheng-style, explique que :

  • du fait du caractère très secret et parcellaire de l’enseignement ancien, peu d’élèves ont jamais appris l’intégralité des Huit Grandes Paumes ;

  • probablement seul Cheng Youxin, en tant que plus jeune fils de Cheng Tinghua, a pu en recevoir la totalité, grâce à la transmission combinée de son frère, de son cousin et des anciens disciples de son père ;

  • sur cette base, Cheng Youxin a systématisé et créé la forme des “八八六十四掌” — les 8×8 = 64 Paumes.

C’est cette structure en 64 paumes qui deviendra l’un des cœurs techniques du Cheng-style moderne, notamment dans la lignée transmise à sa fille Cheng Defeng, Liu Jingru, Sun Zhijun, Hu Dongliang etc.


 Discipline, réputation et style de pratique

Plusieurs éléments reviennent dans les témoignages :

  • Spécialiste du Bagua à pas bas : les sources indiquent que, comme certains de ses contemporains (par ex. Ma Gui pour une autre branche),  était réputé pour un Bagua à “bassin bas”, demandant un niveau de force et d’endurance très élevé.

  • Gardien de la quintessence familiale : étant à la fois fils du fondateur de la branche Cheng et élève de nombreux anciens disciples, il est vu comme celui qui a pu avoir la vision la plus complète des Huit Grandes Paumes et des variations de la famille.

  • Transmission prudente et rigoureuse : sa réputation d’enseignant extrêmement sérieux, n’acceptant qu’un petit nombre de disciples intérieurs, est plusieurs fois rappelée.

Cela explique pourquoi, dans beaucoup de lignées actuelles, le nom de Cheng Youxing est souvent associé à l’idée de “forme complète”, “version intégrale” des Huit Paumes et des 64 Paumes.


Influence sur les générations ultérieures

On retrouve la trace de Cheng Youxing indirectement, à travers les maîtres qui revendiquent ou reconnaissent sa filiation technique :

  • La page chinoise de l’encyclopédie du Bagua Zhang mentionne les grands maîtres modernes de la lignée Cheng – (Liu Jingru, Sun Zhijun), etc. – comme faisant partie des branches issues de la famille Cheng, où il est explicitement cité parmi les principaux héritiers de Cheng Tinghua.

  • Liu Jingru, dans un long témoignage biographique, explique qu’il a pu accéder à la version complète des 64 paumes de la famille Cheng grâce à son maître Liú Tánfēng (刘谈锋), qui lui avait transmis une série de photos de Cheng Youxin démontrant les Huit Grandes Paumes et le système associé.

  • Des vidéos et documents récents (YouTube, Bilibili, etc.) mentionnent des formes comme « 八卦64掌: 董海川–程廷华–程有信–孙志君 (Dong Haichuan – Cheng Tinghua – Cheng Youxin – Sun Zhijun) », le plaçant clairement comme maillon central de la chaîne de transmission entre Cheng Tinghua et les grands maîtres du XXᵉ siècle.


Synthèse

En résumé, même si l’on ne connaît ni précisément les dates de naissance et de mort de Cheng Tinghua, ni tous les détails de sa vie personnelle, les sources convergent sur plusieurs points :

  1. Deuxième fils de Cheng Tinghua, vraisemblablement né vers 1890–1891, trop jeune pour recevoir toute la transmission directe de son père.

  2. Formé par son frère aîné Cheng Youlong, son cousin Cheng Yougong et les principaux disciples de son père, ce qui lui donne une vision à la fois large et profonde des méthodes de la famille.

  3. Maître de Bagua à pas bas, considéré comme l’un des plus accompli de la famille Cheng.

  4. Probablement le seul à avoir maîtrisé complètement les Huit Grandes Paumes, sur la base desquelles il a structuré les 64 paumes, devenues un pilier du Cheng-style Bagua Zhang moderne.

  5. Enseignant très strict, avec près d’une centaine d’élèves mais très peu de disciples intérieurs, soucieux de préserver la quintessence du style.

  6. Son influence se fait sentir aujourd’hui à travers des maîtres comme sa fille Cheng Defeng, son petit fils Zhang Youyu, Liu Jingru, Sun Zhijun et d’autres grands représentants de la lignée Cheng, qui se réclament de son système des Huit et 64 Paumes.

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