Les eunuques en Chine (宦官)

L’impératrice Cixi sur sa chaise particulière portée par des eunuques. (Au premier plan, on voit à droite le Grand eunuque Li Lien-yin, à gauche le doyen de la corporation)

Les origines

Le mot vient du grec ancien : εὐνή eunê « lit » et ἔχω ekhô « garder » , soit « gardien du lit »(en latin cubicularius) — ce qui atteste le rôle traditionnel de l’eunuque comme gardien du harem. Les eunuques en Chine (宦官 huàn’guān, ou 太監 tàijiān) ont constitué une classe particulière dans la société traditionnelle. Les origines des eunuques sont obscures, et le pourquoi l’est tout autant; on peut facilement imaginer qu’étant les gardes, ainsi que personnel d’entretien des femmes et concubines des puissants, l’on devait s’assurer qu’aucun d’entre eux n’auraient l’idée (et donc la possibilité) de vouloir toucher à une préférée d’un roi ou d’un Empereur; les modalités de la castration pourraient tout à fait abonder en ce sens, car une simple ablation des testicules, pratiquée après la puberté, n’empêche pas l’erection, et donc le coït (d’ailleurs, certaines femmes préféraient des castrats aux virils, car ils tenaient l’érection plus longtemps, et de plus, n’éjaculaient pas, pratique à une époque où la non existence de la pilule provoquait quelques remous lors de grossesses intempestives…), ou encore pour éviter que les eunuques procrées , et ainsi puissent constituer une famille, puis une dynastie en prenant le pouvoir. Mais tout cela n’explique pas tout, notamment pourquoi ou comment les eunuques ont pu créer une caste à part, puissante, s’occupant entre autres de la gestion de l’Empire, voire gouvernant!

Le comment

Tout d’abord, un petit retour douloureux pour la gente masculine, sur le procédé : rien de comparable avec la castration chimique actuelle à base de médicaments, ni avec la simple ablation des testicules de notre époque dite « Renaissance »; en effet, c’était bien tout l’ « outillage » qui était extrait chez un eunuque chinois.

Scène montrant comment la castration se passait.

Au début, les eunuques étaient obligés de s’asseoir pour uriner, mais à partir des Song (vers 1200 tout de même), un tige était placé dans l’urètre pour redonner à l’eunuque sa position « masculine » lors de la vidange de sa vessie.
A noter que, d’après les préceptes traditionnels, tout Homme se doit d’être incinéré ou enterré muni de tous les attributs que lui donnent ses parents; c’est pourquoi les eunuques voyageaient tout le temps avec leur « boîte aux trésors », dans laquelle était placé leurs attributs coupés (peut être l’origine de l’expression « bijoux de famille »?).

Les raisons de la castration

Plusieurs s’offraient aux chinois; certains choisissaient la castration pour éviter une peine de mort (ainsi Zhao Gao, ministre de Qin Shi Huang Di et proche de Qin Er Huang Di), d’autres pour accéder à des fonctions importantes auxquelles ils ne pourraient jamais prétendre sans la castration, du fait de leurs modestes origines (seuls les lettrés ou nobles pouvaient accéder à des fonctions administratives importantes; il fallait ainsi étudier, et donc posséder quelques valeurs pour cela). C’est ainsi que l’on pouvait observer des familles poussant leurs enfants (pré pubères souvent) à la castration afin de devenir eunuque.

En Chine, les eunuques ont formés une société à part, à partir du Roi Zheng de Qin, futur réunificateur de l’Empire (vers -220), ceci en réponse à la défiance grandissante du Roi envers eux (Zheng se tournait plus vers les légistes que vers les confucéens et les nobles). Il a toujours existé un « statut moral » des eunuques dans l’esprit des chinois, qui les fascinait, et c’est sur ce statut qu’ont joué les eunuques pour gagner de l’influence, passant de simple garde-femmes, plieurs de draps ou encore goûteurs de plats, à ministre, conseiller particulier des Empereurs, cadres militaires!

Même si des eunuques existaient sous les Shang (-2000 environ), la proximité entre eunuque et pouvoir aurait débuté sous les Zhou, du fait de la proximité « géographique » entre eunuques et rois-empereurs.
Cette influence a toutefois fluctué, selon les volontés des Empereurs : certains faisaient plus confiance aux eunuques (notamment en partant du principe qu’un eunuque servirait fidèlement, puisqu’il n’avait aucun intérêt à créer une nouvelle dynastie), d’autres portaient leur crédit plus sur les lettrés (confucéens), d’autres encore étaient plus religieux (bouddhistes, taoïstes), ou tout simplement n’appréciaient pas le caractère souvent fielleux des eunuques, qui ne pouvaient se permettre de perdre leur « emploi » à la Cite Interdite. On a aussi dans les Annales, la prise du pouvoir par des eunuques à la fin de la dynastie Han (voir Histoire des Trois Royaumes).

La vie d’un eunuque

Un eunuque aux abord de la cité interdite.

Simple, car dédiée d’abord au service de l’Empereur ou du noble auquel il était rattaché.
Il y avait une hiérarchie au sein des eunuques, d’où un jeu de pouvoir politique au sein de leur caste, afin d’arriver au sommet de cette hiérarchie, pour pouvoir arriver au plus près du pouvoir impérial. Selon les époques, les mariages entre eunuques étaient, ou non, autorisés; mais la plupart ne pouvaient se marier, du fait du temps consacré à leur maître, sans compter qu’ils devaient obtenir son autorisation pour tout mariage, en craignant son courroux, et donc la mort, car il faut rappeler que la vie d’un eunuque appartenait à son maître. Les eunuques ne sont pas capables d’avoir des érections ou d’éjaculer en raison du manque de testostérone (et pour les eunuques chinois le fait d’avoir tout coupé) , leurs corps se transforme . En outre, ils développent d’autres zones érogènes et continuent d’avoir une vie sexuelle active. l’incidence sur l’organisme n’est pas la même si la castration est pratiquée avant ou après la puberté ; d’autre part, l’impact sur le développement du sexe de l’adolescent, sur sa libido varie considérablement selon que l’opération a lieu à l’âge de sept ans ou au début de la période pubertaire. Si la castration est faite avant la puberté, l’enfant grandit vite avec des membres assez disproportionnés et un crâne plus grand que la moyenne. On les castrait aussi pour que leur larynx ne grandisse pas et donne la fameuse voix d’or du castrat en Italie par exemple. S’il est castré après la puberté, l’eunuque prend des seins, des fesses. Une silhouette féminine qui était très prisée notamment pour les relations homosexuelles en Chine.

Quelques chiffres

Les eunuques auraient été 70 000 sous les Ming dans la Cité Interdite (période la plus faste pour les eunuques, dont la plupart avaient fait le choix de la castration), régissant toute la logistique, mais aussi la vie sexuelle de l’Empereur, veillant aux applications rituelles, servant de diplomates, conseillers, cuisiniers etc etc etc… pour n’être que 500 environ sous Ci Xi (période Qing XIXème), les mandchous méprisant le principe de castration.
Le dernier eunuque mourut en 1996 (Sun Yaoting)

Sun Yaoting (孙耀庭, 29 septembre 1902 – 17 décembre 1996)

Sun Yaoting (孙耀庭 – ) est le dernier eunuque chinois à être entré au service de la cour impériale. À sa mort à l’âge de 94 ans, il était le dernier eunuque chinois vivant.

Biographie

Issu d’une famille pauvre de Tianjin qui souffrait d’un propriétaire de village intimidant ayant volé le champ et incendié la maison, Sun Yao ting est castré d’un coup de rasoir par son père à l’âge de huit ans, sans anesthésie et uniquement avec du papier imbibé d’huile comme bandage. Cette opération est censée lui assurer un avenir meilleur, les eunuques étant les seuls à pouvoir travailler dans le service impérial car incapable de procréer, ils ne seraient pas tentés de prendre le pouvoir pour fonder une dynastie. Une plume d’oie est insérée dans son urètre pour l’empêcher de se bloquer lors de la cicatrisation de la plaie. Il reste inconscient pendant trois jours et peut à peine bouger pendant deux mois. Cependant, le dernier empereur de Chine, Puyi, est déposé à peine quelques mois plus tard. Il arrive à Pékin à 15 ans et devient néanmoins assistant de l’oncle de l’empereur durant les années suivantes où la famille impériale reste cloîtrée dans la Cité interdite, menant une vie insouciante et loin des bouleversements du pays, avant son expulsion lors du Coup de Pékin en 1924. Il suit ensuite l’empereur en Mandchourie lorsque celui-ci est mis sur le trône du Mandchoukouo par les Japonais.

Après la proclamation de la République populaire de Chine en 1949, Sun Yao ting devient un responsable communiste avant d’être déporté au laogai* pendant la révolution culturelle, car les communistes considéraient les eunuques comme des monstres issus d’un passé honni. C’est durant cette période que sa famille, par peur de représailles des gardes rouges, jette le bocal contenant les restes de ses organes génitaux. En effet, il était de tradition chez les eunuques de les conserver afin d’être enterré avec et ainsi pouvoir être réincarné en tant qu’homme à part entière. Il déclare à ce sujet : « Quand je mourrai, je reviendrai en chat ou en chien ». Il finit sa vie dans un ancien monastère bouddhiste.

Il avait un fils adoptif et un petit-fils. Toute sa vie, il n’a jamais cessé de déplorer la chute du système impérial auquel il restait fidèle malgré tout

*Le laogai (劳改 abréviation de 劳动改造 láodòng gǎizào, « rééducation par le travail ») est un camp de rééducation par le travail en république populaire de Chine. Par son usage au service de l’appareil répressif de l’État, il est communément considéré comme l’équivalent du goulag soviétique.

Dans la culture populaire

Quelques eunuques importants de l’Histoire de Chine


Zhao Gao (趙高 ?? – -207), ministre du terrible et Premier Empereur de la Réunification Qin Shi Huang Di; Huang Hao, qui influença le dernier empereur. Traditionnellement de sinistre réputation, Zhao Gao était un fonctionnaire devenu chef des eunuques durant le règne de Qin Shi Huangdi, premier souverain de la dynastie Qin. Il fut le précepteur puis l’éminence grise derrière le trône du Second Empereur avant de finalement pousser ce dernier au suicide. Mais il mourut peu après de la main de Ziying, éphémère roi de Qin, qu’il avait lui-même mis sur le trône. Il joua un grand rôle dans la chute de la dynastie

Origine incertaine

Le personnage de Zhao Gao n’est connu, comme la plupart de ses contemporains, que par de rares annales historiques tardives, dont principalement le Shiji (écrit un siècle après l’histoire qu’il relate). Seule la tradition populaire donne davantage de détails, mais brosse un portrait bien peu flatteur du personnage.

Le Shiji ne le mentionne qu’en tant que fonctionnaire de Qin, sans plus de précision sur son origine.

Parmi les hypothèses avancées, Zhao Gao pourrait être originaire, comme son nom l’indique, du royaume de Zhao. Certains auteurs associent alors les événements de son enfance à ceux du Premier Empereur et de son père, le prince Yiren de Qin. Ce dernier, alors prince secondaire otage de Zhao, devait fuir le royaume dont il était l’hôte, en guerre contre Qin et qui le menaçait de mort. Un esclave du nom de Zhao Sheng prit la place du prince afin que celui-ci puisse fuir, et fut exécuté à sa place. En échange, le prince lui promit une faveur : celle de prendre soin de son fils, qui n’était autre que Zhao Gao. Lors de la fuite de la famille de Yiren dans des circonstances troubles, son fils, le futur premier Empereur et sa mère portaient d’ailleurs tous deux également le nom de famille Zhao.

D’autres histoires populaires donnent des versions différentes ou des précisions sur le personnage. Elles ne reposent cependant sur aucun fondement et semblent destinées à rendre le personnage plus méprisable. Parmi celles-ci :

  • Il était apparenté aux rois de Zhao, plus tard détrônés par Qin. Son père avait été condamné avant lui à être fait eunuque pour un crime inconnu, et sa mère fut finalement mise à mort. Il est facile alors d’extrapoler, dans son rôle lors de la chute de la dynastie Qin, une vengeance personnelle.
  • Il n’était pas castré, mais avait un « dysfonctionnement » sexuel de naissance.

On le décrit parfois doté d’une force physique exceptionnelle ; très intelligent, il s’appliqua à l’étude des lois pénales en vigueur à Qin et connaissait bien la jurisprudence, ce qui lui permit de faire carrière dans l’administration de cet État.

Carrière sous le règne du Premier Empereur

Déchéance et réhabilitation

Zhao Gao fut d’abord un fonctionnaire mineur de l’État de Qin. Mais à l’occasion d’un scandale qui ne nous est pas connu, il fut mis en accusation par le juge Meng Yi, fils du général Meng Wu et frère du célèbre Meng Tian. Il fut destitué de sa position et condamné à mort. Il est également possible que sa castration ait fait partie des conséquences de ce coup du sort.

Qin Shi Huangdi lui pardonna pourtant et le rappela finalement auprès de lui, où il reprit des fonctions officielles.

Zhao Gao conserva de cet épisode une profonde rancune à l’égard du clan Meng, qui était honoré à la cour du souverain depuis les exploits militaires du général Meng Ao, grand-père de Meng Yi, durant la période des royaumes combattants. Cette haine allait jouer un rôle déterminant après la mort du Premier Empereur.

Ascension

Légiste consommé, Zhao Gao assista, d’après le Shiji, le ministre Li Si dans la mise en application des nombreuses réformes voulues par Shi Huangdi. C’était un dignitaire important, comptant parmi ses titres celui de « chef des eunuques« , ainsi que « chef des attelages du palais« .

Mais il fut surtout le précepteur de l’un des fils cadets du souverain, le prince Hu Hai, sur lequel il acquit une importante influence. L’aîné des enfants de l’empereur et son héritier présomptif, le prince Fu Su, qui avait osé blâmer son père pour sa sévérité lors de l’épisode de la mise à mort des lettrés, avait été exilé dans le Nord, avec la charge d’assister Meng Tian, occupé à repousser les barbares et à édifier la Grande Muraille.

Dans une cour rompue aux intrigues, il est vraisemblable d’imaginer, comme certains spécialistes l’ont fait, la formation de coteries influentes, comme celle du clan Meng autour du prince Fu Su, et celle, opposée, des ministres Zhao Gao et Li Si autour du prince Hu Hai, ce qui permettrait de mieux comprendre les événements qui allaient entourer la succession du Premier Empereur.

Succession détournée du Premier Empereur

Durant son règne, Qin Shi Huangdi fit plusieurs tournées d’inspection au sein de son empire, entouré de sa cour et de ses ministres, notamment Li Si et Zhao Gao, ses plus proches conseillers. Lorsqu’en -210, l’empereur tomba malade alors qu’il rentrait d’un de ses voyages, il fit écrire une lettre au prince Fu Su, accompagnée du sceau impérial et naturellement confiée à Zhao Gao qui dirigeait le bureau chargé de la transmission des ordres scellés. Mais l’empereur mourut avant que le message n’ait été envoyé.

Conscient que l’héritier désigné ne lui serait pas favorable, et que le clan Meng obtiendrait les plus hautes faveurs, Zhao Gao escamota ces dernières volontés et fut l’instigateur du complot, orchestré avec le premier ministre Li Si, destiné à placer sur le trône le prince Hu Hai, qui faisait partie du voyage.

L’eunuque étant l’un des seuls habilités à approcher l’empereur dans le convoi, le décès fut gardé secret par d’habiles stratagèmes jusqu’au retour à la capitale.

Une fois au centre du pouvoir, Li Si put proclamer la mort du souverain. Les trois intrigants contrefirent les dernières volontés de l’empereur, le prince Hu Hai rédigea de nouveaux ordres, ordonnant au prince Fu Su de se suicider, et se désignant lui-même comme successeur. En fils obéissant, Fu Su se supprima. Hu Hai fut sacré sous le nom de Qin Ershi Huangdi « Second empereur de Qin » (秦二世). Li Si conserva sa charge de premier ministre.

Règne du Second Empereur

Le nouvel empereur n’a, au plus, que vingt et un ans. Zhao Gao est établi surintendant du palais et, affermissant son pouvoir sur son ancien élève, devient par ses conseils le vrai décisionnaire du gouvernement, Qin Ershi étant traditionnellement vu comme un souverain fantoche.

L’eunuque commence par la destruction de la famille Meng. Meng Tian, destitué, est poussé au suicide et son frère Yi arrêté et exécuté. Puis, sur ses conseils, les lois déjà sévères de Qin sont encore durcies, et les ordonnances se multiplient. Elles sont l’occasion, pour Zhao Gao, d’abattre tous les contestataires à sa mainmise sur le gouvernement de Qin. Même les frères et sœurs du nouvel empereur ne sont pas épargnés, et la plupart d’entre eux sont exécutés.

Mais déjà, en -209, Chen She se retourne contre l’autorité, augurant une succession de rébellions qui vont se généraliser dans l’empire. Dans un premier temps, les rebelles, malgré plusieurs succès, doivent reculer devant les armées des généraux Zhang Han et Wang Li de Qin, mais la tendance s’inversera en -207 avec les deux principaux seigneurs rebelles, Xiang Yu et Liu Bang.

À Xianyang, capitale de l’empire, l’eunuque est nommé grand conseiller, et sa puissance est à son apogée. Ses officiers ne s’embarrassent même plus de donner des chefs d’accusation lorsqu’ils arrêtent des opposants pour les mettre à mort. Zhao Gao manipule le souverain, l’isolant toujours davantage, et organise la disgrâce du ministre Li Si. Celui-ci est finalement arrêté, ainsi que toute sa famille sur trois générations, pour trahison, puis lui et son fils cadet sont torturés et mis à mort en -208.

Manœuvré par Zhao Gao qui le conduit à douter de sa propre lucidité, Qin Ershi reste désormais dans ses appartements et décide toutes les affaires avec son conseiller, qui seul peut l’approcher librement ; à partir de ce moment, les hauts dignitaires ne sont plus que rarement reçus en audience. L’anecdote où Zhao Gao « décida » de « la nature d’un daim comme étant celle d’un cheval », restée proverbiale dans la tradition chinoise, illustre l’influence de Zhao Gao sur le Second Empereur et son pouvoir sur la cour.

« De la nature d’un daim comme étant celle d’un cheval »

Une expression chinoise, issue d’un incident impliquant Zhao Gao, est « d’appeler un daim un cheval » (指鹿為馬).

Afin de s’assurer du contrôle total du gouvernement, Zhao Gao décida un jour de tester la loyauté des fonctionnaires du palais. À l’occasion d’une réunion impériale officielle, il fit entrer un daim et déclara qu’il s’agissait d’un cheval. Naturellement, Qin Er Shi contredit son conseiller, pensant qu’il s’agissait d’une farce. Les fonctionnaires présents, interrogés, durent se ranger à l’avis de l’eunuque. Certains appuyèrent cependant le souverain, affirmant qu’il s’agissait bien d’un daim. Zhao Gao entreprit, à la suite de cet incident, d’éliminer tous ceux qui avaient refusé d’appeler le daim un cheval.

Le terme est passé ultérieurement dans l’usage comme un proverbe, décrivant un mensonge délibéré fait pour remplir un dessein ultérieur.

Mort du Second Empereur

En -207, les rébellions secouaient, les unes après les autres, les fondements de l’empire en passe de se désagréger. Déjà, les anciens royaumes s’étaient reconstitués en principautés autonomes, et l’autorité de l’empereur n’était plus reconnue.

Les rebelles, menés par le gouverneur de Pei, titré prince de Han Liu Bang, marchaient sur le « pays à l’intérieur des passes », c’est-à-dire le territoire de l’ancien royaume de Qin, parvenant aux portes de la capitale, et ce, malgré tous les avis donnés par Zhao Gao à l’empereur. Le grand conseiller eunuque ne se présenta plus à la cour, et, craignant que Qin Ershi ne le rendît responsable de cette situation dramatique, décida de le supprimer et de le remplacer. Ayant préparé son action avec son frère Zhao Sheng et son gendre Yan Yue, préfet de Xianyang, il envoya des gardes, déguisés en bandits, assaillir le palais. Acculé, l’empereur fut contraint au suicide, et fut enterré sans cérémonie.

Craignant que les ministres réunis ne profitent de la situation pour le faire périr, et soucieux de conserver sa mainmise, Zhao Gao installa sans tarder le prince Ziying sur le trône, avec le titre de roi de Qin, l’empire Qin n’ayant plus de réalité politique.

Mort de Zhao Gao

Zhao Gao ne survécut pas longtemps à Qin Ershi. Il avait, semble-t-il, passé un accord avec Liu Bang et les insurgés afin de s’assurer le trône de Qin pour lui-même.

Mais Ziying était conscient de la duplicité de l’eunuque et du danger qu’il représentait. Le roi ayant décliné l’invitation à rejoindre le temple ancestral pour se purifier, Zhao Gao dut se rendre auprès du lui. Ziying le tua d’un coup d’épée. Il extermina également la famille de Zhao Gao, jusqu’au troisième degré de parenté.

Après cela, il déposa les armes et remit le sceau impérial à Liu Bang, et fut tué peu après par l’autre meneur de la rébellion, Xiang Yu. La dynastie Qin n’avait pas survécu trois ans à la mort de son fondateur.

Liu Shan (劉禪 207–271), prénom social Gongsi, est le second et dernier empereur du Shu Han, un des États de la période des Trois Royaumes de l’Histoire de la Chine. Lorsqu’il monte sur le trône à l’âge de 16 ans, Liu Shan est sous la double régence du Premier Ministre Zhuge Liang et du Secrétaire Impérial Li Yan. Son règne dure 40 ans, ce qui en fait le règne le plus long de la période des trois royaumes. Durant ces quarante années, de nombreuses campagnes sont lancées par le Shu contre le royaume rival du Wei. C’est d’abord Zhuge Liang qui dirige ces expéditions, puis, après son décès, c’est son successeur Jiang Wei qui prend le relai; mais tous deux échouent. Le règne de Liu Shan s’achève lorsqu’il se rend aux troupes du Wei en 263, après une attaque surprise du général Deng Ai contre Chengdu, la capitale du Shu. Il est rapidement transféré à Luoyang, la capitale du Wei,et reçoit le titre de « Duc d’Anle ». Il y coule des jours heureux, jusqu’à sa mort en 271, qui est probablement une mort de cause naturelle.

Le plus souvent désigné par son nom d’enfant, « Adou / Edou« , Liu Shan est habituellement considéré comme un dirigeant incapable, voire handicapé mental. Il est également accusé de négliger les affaires du royaume au profit des plaisirs de la cour. Que cette réputation soit exacte, exagérée ou totalement fausse, il n’en reste pas moins que le mot « Adou » est, aujourd’hui encore, couramment utilisé en chinois pour décrire des personnes incapables d’atteindre un but, et ce même avec une aide importante.

Chen Shou, dans ses Chroniques des Trois Royaumes, note que, contrairement à la tradition, Zhuge Liang a supprimé le poste d’historien officiel à la cour de Liu Shan et que ce dernier n’a pas rétabli ce poste après la mort de Zhuge. Le résultat est que bien des événements survenus pendant le règne de Liu Shan n’ont pas été mis par écrit, ce qui limite notre connaissance de cette époque.

Jeunesse

Liu Shan naît en 207 et est le fils aîné du seigneur de guerre Liu Bei, qui est alors en poste dans la province de Jing. Sa mère est dame Gan, la concubine de son père. En 208, Cao Cao, un rival de Liu Bei qui domine quasiment tout le nord de la Chine, se lance dans la conquête de la province de Jing. Alors qu’il se replie vers le sud, Liu Bei est rattrapé par Cao Cao, à la tête de ses cavaliers d’élite, lors de la bataille de Changban. Dans le chaos des combats, il est séparé de sa concubine et de son fils. Voyant cela, Zhao Yun, un de ses généraux, reste en arrière pour protéger la famille de son seigneur; puis, après avoir pris Liu Shan dans ses bras, ramène la mère et le fils auprès de Liu Bei.

Dans Une Brève Histoire du Wei, Yu Huan donne une autre version de la jeunesse de Liu Shan. Selon lui, le futur empereur du Shu naît bien avant 207 et est séparé de son père en 200, lorsque Cao Cao attaque Liu Bei à Xiaopei. Après diverses péripéties, Liu Shan arrive à Hanzhong où il est vendu par un trafiquant d’êtres humains. Ce n’est que lorsque Liu Bei se déclare empereur en 221 que le père et le fils sont réunis. Cette histoire romanesque est complètement rejetée par Pei Songzhi, le rédacteur de la version annotée et augmentée des Chroniques des Trois Royaumes. Pour Pei, cette histoire contredit trop les autres sources pour être jugée crédible.

Dans tous les cas, Liu Shan perd sa mère alors qu’il est très jeune, car même si la date exacte de la mort de Dame Gan est inconnue, son décès doit avoir lieu après l’année 209. En effet, lorsque Dame Sun, la femme de Liu Bei, divorce de son mari en 211, ce dernier était alors le seul tuteur légal de Liu Shan.

Lorsque Liu Bei se déclare empereur du Shu Han en 221, Liu Shan devient officiellement le prince héritier. L’année suivante, Liu Bei quitte Chengdu, la capitale du Shu, pour partir en guerre contre Sun Quan. En effet, en 219, ce dernier a envoyé le général Lü Meng envahir et annexer la Province de Jing; ce qu’il a fait tout en capturant et exécutant Guan Yu, un de généraux et Frère Juré de Liu Bei. Liu Bei subit une défaite cinglante à la bataille de Xiaoting et est obligé de se replier sur la ville de Baidicheng avec les débris de son armée. Là, il tombe malade de la dysenterie et meurt en 223. Avant de mourir, Liu Bei confie le jeune Liu Shan aux bons soins de son Premier ministre Zhuge Liang, conseillant même à ce dernier de monter sur le trône, si jamais Liu Shan se révèle être incapable d’assumer son rôle.

Règne La régence de Zhuge Liang

Au début de son règne, Liu Shan semble être un bon dirigeant. Tant que Zhuge Liang est en vie, Liu Shan le respecte et le considère comme une figure paternelle, laissant le premier ministre gérer toutes les affaires du royaume. Zhuge Liang en profite pour placer à des postes clefs des hommes en qui il a toute confiance, tels que Fei Yi, Dong Yun, Guo Youzhi et Xiang Chong. Suivant les conseils de Zhuge Liang, Liu Shan renouvelle l’alliance entre le Shu et le royaume de Wu, ce qui permet aux deux royaumes de survivre face à leur ennemi commun, bien plus puissant, le royaume de Cao Wei. Pendant cette régence, le gouvernement est efficace et la corruption quasi inexistante, ce qui permet au relativement petit État du Shu de s’armer en vue de campagnes militaires.

En 223, Liu Shan épouse l’impératrice Zhang, une des filles du défunt Zhang Fei, l’autre frère juré de son père.

Peu après la mort de Liu Bei, les tribus du Nanman se révoltent pour se libérer de la domination du Shu. En 225, Zhuge Liang part vers le sud à la tête d’une armée et réussit à mater la rébellion, en partie grâce à des victoires militaires et en partie par la persuasion. Ainsi, il réussit à faire revenir cette région du Sud dans le giron du Shu, à qui les Nanman fourniront un soutien sans lequel Zhuge Liang n’aurait jamais pu lancer ses expéditions contre le Wei.

À partir de l’année 227, Zhuge Liang lance ses cinq expéditions nordiques contre le Wei. À part une d’entre elles, toutes ces expéditions s’achèvent par des échecs militaires, sans pour autant tourner au désastre. À chaque fois, les armées du Shu tombent à court de ravitaillement et sont obligées de se replier sans avoir pu infliger des dommages significatifs au Wei. C’est pendant une de ces campagnes que Zhuge Liang doit affronter la seule véritable crise politique de sa régence. En 231, le corégent Li Yan fabrique un faux édit de Liu Shan ordonnant à Zhuge Liang de se replier, afin de dissimuler le fait qu’il a été incapable de fournir à temps le ravitaillement nécessaire aux troupes. Quand le premier ministre découvre le pot-aux-roses, il recommande que Li Yan soit renvoyé de son poste et mis aux arrêts, ce que Liu Shan accepte immédiatement.

En 234, Zhuge Liang tombe gravement malade pendant son ultime expédition nordique. Mis au courant de l’état de santé de son premier ministre, Liu Shan envoie Li Fu (李福), son secrétaire personnel, auprès du mourant, afin que ce dernier laisse ses ultimes instructions sur la manière de diriger les affaires du royaume. Entre autres choses, Zhuge Liang recommande que Jiang Wan lui succède, et que Fei Yi succède à Jiang Wan le moment venu. Quand Li Fu lui demande qui doit succéder à Fei Yi, Zhuge Liang refuse de répondre. Zhuge Liang meurt peu après et Liu Shan exécute ses dernières volontés en faisant de Jiang Wan le nouveau régent.

La régence de Jiang Wan

Jiang Wan est un administrateur compétent, qui poursuit la politique intérieure de Zhuge Liang, assurant un gouvernement toujours efficace et une corruption toujours quasi inexistante. Il est également connu pour sa capacité à prendre en compte les avis autres que le sien et son humilité. Le grand changement par rapport au gouvernement de Zhuge Liang est que le nouveau régent n’a pas les compétences militaires de l’ancien. Rapidement, Jiang Wan abandonne la politique d’agression permanente contre le Wei, et en 241 il fait se replier la plupart des troupes stationnées à la grande ville-frontière de Hanzhong vers le comté de Fu. À partir de cette date, le Shu reste la plupart du temps sur la défensive et ne représente plus une menace pour le Wei.

Lorsque la nouvelle de ces mouvements de troupes arrive au Wu, la plupart des membres de la cour les interprètent comme signe prouvant que le Shu voulait abandonner l’alliance entre les deux royaumes, pour signer un traité avec le Wei. A contrario, Sun Quan, l’empereur du Wu, comprend parfaitement qu’il s’agit d’un signe de faiblesse de la part du Shu et non de la fin de l’alliance.

En 237, l’Impératrice Zhang meurt. La même année, Liu Shan fait de la jeune sœur de la défunte sa compagne puis, en 238, son impératrice. Tout comme sa sœur avant elle, elle prend le titre d’impératrice Zhang.

En 243, Jiang Wan tombe malade et transmet la plupart de ses pouvoirs à Fei Yi et Dong Yun, l’assistant de ce dernier. Ainsi, lorsque Cao Shuang, le régent du Wei, attaque Hanzhong en 244, c’est Fei Yi qui dirige les troupes qui infligent une défaite majeure au Wei lors de la bataille de Xingshi. Malgré tout, Jiang Wan reste très influent jusqu’à sa mort en 245. Peu après Jiang Wan, Dong Yun meurt à son tour ; ce qui profite à Huang Hao, un eunuque qui fait partie des proches de Liu Shan et que Dong Yun maintenait à l’écart du pouvoir. Huang Hao est considéré comme un manipulateur corrompu, ce qui n’empêche pas son pouvoir d’augmenter après la mort de Dong. Il commence à s’ingérer dans les affaires du royaume, au prix d’une détérioration de l’efficacité étatique, qui était la marque de fabrique du Shu depuis la régence de Zhuge Liang.

La régence de Fei Yi

Après les morts de Jiang Wan et Dong Yun, Liu Shan nomme Jiang Wei assistant de Fei Yi. Dans les faits, les deux hommes se préoccupent surtout des affaires militaires, pendant que Liu Shan s’implique de moins en moins dans les affaires civiles. C’est à partir de cette époque qu’il passe de plus en plus de temps à faire le tour du royaume et à accumuler des objets de luxe. Ces deux nouvelles occupations engendrent un supplément de dépenses qui fragilisent le budget du royaume, sans que la situation financière du pays n’en devienne critique. Dés qu’il arrive à son nouveau poste, Jiang Wei veut renouer avec la politique étrangère de Zhuge Liang et recommencer à attaquer le Wei. Fei Yi approuve en partie cette stratégie, et autorise Jiang Wei a organiser des raids sur les frontières du Wei. Par contre, il ne lui accorde qu’un nombre limité de soldats pour ses attaques, car il juge que le Shu n’a pas les moyens pour un confrontation à grande échelle contre le Wei.

En 253, Fei Yi est assassiné par le général Guo Xun (郭循). Guo est un général du Wei, qui avait été forcé de se rendre lors d’une bataille et avait joué le jeu de l’allégeance au Shu, tout en restant fidèle au Wei. Profitant d’une fête, Guo Xun révèle son vrai visage en tuant Fei Yi, espérant ainsi porter un coup mortel au Shu. Après la mort de Fei, Jiang Wei devient le régent de fait ; mais comme il est en permanence en train de se battre sur les frontières, le royaume doit faire face à une vacance du pouvoir dans la conduite des affaires intérieures. Huang Hao profite de la situation pour accroître son influence à la cour et sur Liu Shan.

La « semi-régence » de Jiang Wei

Après la mort de Fei Yi, Jiang Wei assume le commandement suprême des armées du Shu et lance de nombreuses campagnes contre le Wei. Si ces expéditions agacent Sima Shi et Sima Zhao, les deux régents successifs du Wei, elles n’aboutissent à aucun résultat concret sur le terrain. À chaque fois, Jiang Wei doit faire face aux mêmes problèmes que Zhuge Liang et finit toujours par se replier assez vite à cause d’un manque de ravitaillement pour ses troupes. Pire, alors que les bonnes méthodes de gouvernement de Zhuge Liang permettaient aux ressources du pays de se régénérer entre deux expéditions, la dégradation de ces méthodes depuis la mort de Jiang Wang fait que chaque expédition de Jiang Wei draine un peu plus les ressources du pays et affaiblit le Shu en l’entraînant dans un cercle vicieux.

En 253, Jiang Wei et Zhuge Ke, le régent du Wu, déclenchent une attaque coordonnée contre le Wei. Une fois de plus, Jiang est obligé de se replier lorsque son armée tombe à court de ravitaillement, ce qui permet à Sima Shi de se concentrer sur l’attaque de Zhuge Ke. Le Wu subit une sanglante défaite, qui provoque tellement de haine contre Zhuge Ke que ce dernier finit assassiné. Cette tentative est la dernière attaque coordonnée lancée par le Shu et le Wu contre le Wei.

En 255, lors d’une de ses campagnes, Jiang Wei réussit à infliger une importante défaite aux troupes du Wei lors de la bataille de Didao, réussissant presque à capturer l’importante ville frontière de Didao. Mais, lorsqu’il tente à nouveau d’attaquer le Wei en 256, c’est lui qui subit une défaite sanglante lorsqu’il se retrouve face à Deng Ai. Cette défaite est une telle catastrophe matérielle et humaine pour le Shu, qu’à la cour du Shu de nombreux officiels remettent en cause la stratégie de Jiang Wei. Non seulement Liu Shan ne fait rien pour arrêter son général, mais en 259, il approuve un plan de Jiang qui réorganise complètement la défense du Shu face à une éventuelle attaque du Wei. Ainsi, les troupes sont retirées des principales villes frontalières et des différents forts frontaliers, pour laisser les armées du Wei pénétrer à l’intérieur du pays, où les soldats du Shu sont positionnés pour tendre un piège à l’envahisseur.

En 261, l’influence de Huang Hao est à son apogée. Pour ce qui est de la politique intérieure, seuls Dong Jue et Zhuge Zhan, le fils de Zhuge Liang, ont réussi à rester à leurs postes sans avoir à flatter Huang Hao. En 262, Huang Hao tente de faire renvoyer Jiang Wei pour le remplacer par son ami Yan Yu (閻宇). Lorsqu’il est mis au courant de la nouvelle, Jiang Wei demande à Liu Shan d’exécuter Huang Hao, mais l’empereur refuse, arguant que l’eunuque n’est qu’un serviteur qui rend des services. Craignant des représailles, Jiang Wei quitte Chengdu avec ses soldats pour s’installer à Tazhong et y créer un tuntian.

En 261, Xue Xu,un ambassadeur du Wu, visite le Shu sur ordre de Sun Xiu, l’empereur du Wu. Voici ce qu’il écrit dans son rapport :

« L’empereur est incompétent et ne reconnaît pas ses erreurs ; ses subordonnés essayent juste de vivre sans se créer de problèmes. Quand j’ai rendu visite à ces derniers, je n’ai entendu aucun mot honnête, et quand j’ai visité les campagnes, le peuple avait l’air affamé. J’ai entendu parler d’une histoire d’hirondelles et moineaux qui font leurs nids sur les toits de manoirs et qui sont contents, croyant que c’était l’endroit le plus sûr; sans se rendre compte que les bottes de foin aux pieds des manoirs et les poutres de soutien sont en feu et sans voir quelle catastrophe se prépare. Cela pourrait être ce à quoi ressemble leur situation »

Chute du Shu

En 262, parfaitement conscient de la situation du Shu et lassé des attaques continues de Jiang Wei, Sima Zhao planifie une attaque massive pour en finir une bonne fois pour toutes avec le turbulent royaume de Liu Shan. Lorsque la rumeur de ce plan arrive aux oreilles de Jiang Wei, ce dernier envoie immédiatement une requête à Liu Shan. Il met en garde son empereur contre une levée massive de troupes du Wei, qui se massent à la frontière, sous les ordres des généraux Deng Ai, Zhuge Xu et Zhong Hui, et demande l’envoi de renforts dans cette zone. Cependant, Huang Hao persuade Liu Shan à grand renfort de divinations, pour qu’il ne tienne pas compte des demandes de Jiang Wei.

En 263, Sima Zhao met son plan en application en envoyant Deng Ai, Zhuge Xu et Zhong Hui attaquer le Shu. Liu Shan décide alors d’appliquer le plan mis au point en 259 par Jiang Wei et donne l’ordre aux troupes de se replier des frontières et de se préparer à piéger les armées du Wei, au lieu de chercher une confrontation directe. Ce plan a une faille, qui lui sera fatale. Jiang était parti du principe que les troupes du Wei assiégeraient les villes frontalières, alors qu’en fait, Deng Ai et Zhong Hui les ignorent. Ils laissent juste derrière eux un petit contingent pour éviter d’être attaqués par les quelques soldats qui restent en garnisons dans ces villes et foncent avec le gros des troupes prendre le contrôle du col de Yang’an. Après une défaite initiale, Jiang Wei réussit à bloquer l’avancée des troupes ennemies, mais Deng Ai réussit à mener ses hommes à travers un chemin montagneux escarpé et à pénétrer au cœur du territoire du Shu. Là, il lance une attaque surprise contre Jiangyou où il bat et tue Zhuge Zhan. Après cette victoire, Deng Ai n’a virtuellement plus aucun ennemi pour lui barrer le chemin de Chengdu, la capitale du Shu. Face à la perspective de devoir défendre Chengdu contre Deng Ai, sans aucun soldat pour défendre la ville, Liu Shan prend conseil auprès du Secrétaire Qiao Zhou et se rend très rapidement. Alors que cette reddition rapide est critiquée par de nombreux historiens, Wang Yin (王隱), dans ses Chroniques du Shu (蜀記), la décrit comme un choix qui fait passer le devenir du peuple du Shu avant tout le reste.

En 264, Zhong Hui tente de prendre le pouvoir, avec l’aide de Jiang Wei qui, après s’être rendu à Zhong Hui, tente d’utiliser l’ambition de ce dernier pour faire revivre le Shu. Il suggère à Zhong Hui de faire accuser Deng Ai de trahison et de le faire arrêter, puis, avec toutes les troupes sous ses ordres, de se rebeller contre Sima Zhao. Zhong Hui suit ses conseils, pendant que Jiang Wei commence à préparer l’assassinat de Zhong Hui et de ses proches, afin de déclarer le Shu à nouveau indépendant et sous les ordres de l’empereur Liu Shan. De fait, Jiang est tellement sûr de lui, qu’il écrit à l’ex-empereur du Shu pour l’informer de ses plans. Mais rien ne se passe comme prévu, car les soldats de Zhong Hui se rebellent contre lui et le tuent, ainsi que Jiang Wei. Liu Shan lui-même n’est pas blessé lors des combats, mais le prince héritier Liu Xuan est tué dans la confusion.

Vie après la chute du Shu

En 264, Liu Shan et toute sa famille sont transportés à Luoyang, la capitale du Wei. Il reçoit le titre de « Duc d’Anle » (安樂公), ce qui signifie littéralement : « duc de la paix et du confort ». Ses enfants et petits-enfants deviennent, eux, des marquis. D’après les Annales des Printemps et des Automnes des Han et des Jin (漢晉春秋) de Xi Zuochi ; un jour, Sima Zhao, le régent du Wei, invite Liu Shan et ses proches à une fête. Sima Zhao fait le nécessaire pour que, durant toutes les festivités, des artistes jouent de la musique et accomplissent des danses typiques du Shu. Les anciens officiels du Shu présents dans la salle sont tous tristes, mais Liu Shan ne semble pas affecté. Et lorsque Sima Zhao lui demande s’il regrette son ancien pays, Liu Shan répond :

« Je profite de la vie ici et je ne pense pas du tout au Shu. (此間樂,不思蜀) »

Cette phrase est devenue un proverbe chinois – le bu si shu (樂不思蜀), ce qui signifie littéralement: « Trop joyeux pour penser à son foyer », avec une connotation négative. Pour Sima Zhao, cette réponse prouve que Liu Shan est un idiot incompétent. Pour des historiens plus récents, cette réponse prouverait plutôt que Liu Shan était assez sage pour endormir la méfiance de Sima Zhao en jouant celui qui n’a aucune ambition de revanche.

Liu Shan meurt à Luoyang en 271 et reçoit à titre posthume le nom et le tire de « Duc Si d’Anle » (安樂思公), ce qui signifie littéralement : « le duc d’Anle aux pensées profondes ». Son duché perdure sur plusieurs générations pendant la dynastie Jin, qui succède au royaume de Wei dés 265, avant de disparaitre pendant les troubles de la période des seize royaumes. Liu Yuan, le fondateur du Zhao antérieur, un des seize royaumes, prétendait être le successeur légitime de la dynastie Han. Dans une volonté de légitimation de son propre pouvoir, il donne à Liu Shan le nom et titre posthume d' »Empereur Xiaohuai » (孝懷皇帝), ce qui signifie littéralement: « L’empereur filial et aimable ».

Zheng He (鄭和 1371 – 1433)  est un eunuque chinois musulman et un explorateur maritime célèbre, que ses voyages amenèrent jusqu’au Moyen-Orient et en Afrique de l’Est. Il est l’un des rares à se voir attribuer le titre bouddhique de Sanbao taijian (三寶太監 « Grand Eunuque aux trois joyaux ».

Biographie

Né en 1371 dans la province du Yunnan, dans le sud-ouest de la Chine, son nom initial est Mǎ Sānbǎo (馬三寶). Zheng He était un Hui, un Chinois Han musulman. Il est également possible qu’il soit d’origine cham musulmane, lorsque le royaume Champâ arrivait jusqu’à la bordure méridionale du Tonkin avec le Yunnan au Nord. Le préfixe honorifique Hadji (Al hadj) indique qu’il est allé à La Mecque, comme son père et son grand-père. Le trône impérial a eu plusieurs hauts dignitaires d’origines ethniques diverses.

On ne connaît que peu de choses sur son enfance. Descendant direct de Sayyid Ajjal Shams al-Din Omar, le premier gouverneur du Yunnan nommé par la dynastie mongole des Yuan au xiiie siècle, il est lui-même fils du gouverneur du Yunnan. Lors de son enfance, la province est envahie par l’armée impériale, campagne au cours de laquelle son père trouve la mort.

Âgé de 13 ans, lui-même est capturé et castré, comme il est de coutume pour les fils des chefs de guerre rivaux prisonniers, destinés à faire partie des eunuques de la Cour impériale, un rôle offrant une relation privilégiée avec l’empereur. Il gravit peu à peu les échelons. Entré dans les faveurs de Zhu Di, Prince de Yan, ce prince ambitieux dont il est l’un des stratèges usurpe le trône impérial de Chine en 1402 et devient Yongle  (Félicité éternelle), le troisième empereur de la dynastie Ming. Mǎ Sānbǎo change en 1404, son nom en Zheng He, après la bataille de Zhenglunba près de Pékin, et c’est ce titre qui lui vaut d’être choisi pour commander plus tard la plus imposante marine du monde.

Le troisième empereur Ming reste unique dans les annales de l’histoire de la Chine : Yongle désire étendre les limites de la Chine, aussi bien vers le Nord (transfert de la capitale de Nankin à Pékin en 1409) que vers le sud (occupation du royaume du Đại Việt en 1407). Il fait de Zheng He l’amiral de la flotte impériale, sans que celui-ci ne soit jamais allé en mer. Il lance la construction de centaines de navires à Nankin, alors capitale impériale, sur le Yangzi Jiang (ce qui réduira de moitié la couverture forestière du sud de la Chine) et ordonne de grandes expéditions exploratrices dans tout l’océan Indien. En tant qu’amiral, Zheng He effectue sept voyages de 1405 à 1433.

Le successeur de Yongle, Hongxi, éphémère quatrième empereur Ming (1424-1425), interrompt ces expéditions pour des raisons budgétaires, et nomma Zheng He Défenseur de Nankin. À ce titre, celui-ci dirige les travaux pour l’édification de la Tour de porcelaine, considérée comme l’une des « merveilles mondiales » à l’âge classique.

Après la mort de l’empereur Hongxi en 1425, son successeur, Xuande (1425-1435), reprend les idées de Yongle et commande une septième expédition, la plus importante de toutes et celle qui ira le plus loin.

La flotte chinoise

Réplique du fameux « bateau-trésor » de Zheng He.

La flotte compte environ 70 vaisseaux et 30 000 hommes à son apogée.

Après la découverte d’un gouvernail énorme lors de fouilles dans le sud-est de la Chine et en se fondant sur un récit datant de près de 100 ans après l’époque de Zheng He, certains spécialistes affirment que ces vaisseaux pouvaient atteindre 138 mètres de long et 55 mètres de large et comptaient neuf mâts.

Un parchemin bouddhiste datant de l’époque de Zheng He et représentant des vaisseaux à 4 mâts semble infirmer cette thèse : ceux-ci n’auraient alors mesuré qu’une soixantaine de mètres de long.

Ces dimensions sont comparables à celles des grandes « caraques » des marines européennes, à la même époque (les navires d’exploration sont nécessairement plus petits et plus maniables, comme la caravelle Santa Maria de Christophe Colomb, construite environ 70 ans plus tard, qui mesurait 30 mètres de long et 8 mètres de large).

Les expéditions chinoises authentifiées

La girafe ramenée par Zheng He en 1414 fut qualifiée de qilin. Peinture de Shen Du, artiste de la cour des Ming.

La préparation des expéditions est méticuleuse, avec par exemple la fondation d’un institut des langues étrangères à Nankin.

Les échanges commerciaux sont nombreux. D’un de ces voyages, il ramène une girafe de Malindi, un bourg swahili (actuel Kenya), qui est considérée en Chine comme un exemplaire du qilin, un animal légendaire. De l’or, de l’argent, de la porcelaine et de la soie sont échangés contre de l’ivoire et des animaux exotiques, tels le zèbre, le dromadaire ou l’autruche.

Zheng He explore, durant toutes ces années de voyage :

  • les côtes de l’Asie du Sud-Est (notamment Java et Sumatra dans l’actuelle Indonésie) ;
  • de nombreuses îles de l’océan Indien (notamment l’actuel Sri Lanka).

Il remonte la mer Rouge jusqu’en Égypte et descend les côtes africaines jusqu’au Mozambique.

C’est à la suite d’une de ces expéditions qu’en 1414, le sultan de Malindi (dans l’actuel Kenya) inaugure des relations diplomatiques avec la Chine.

Ces expéditions offrirent des occasions militaires : Zheng He mit un terme aux raids du pirate Chen Zuyi dans le détroit de Malacca, qui relie l’océan Indien à la mer de Chine méridionale. Par ailleurs, il affronte avec succès, sur terre, les forces du Royaume de Kotte (actuel Sri Lanka).

À la différence des Portugais, les voyages d’exploration entrepris par les Chinois ne débouchèrent pas sur une entreprise d’expansion outre-mer.

Avant ces explorations, la seule autre expédition chinoise lointaine documentée est celle du moine Xuanzang pour rapporter d’Inde des textes bouddhiques, expédition romancée par la suite dans l’ouvrage célèbre La Pérégrination vers l’Ouest, bien que certains témoignages fassent état de voyages jusqu’à la péninsule Arabique dès la dynastie Han, au début du premier millénaire. Des cartes marines chinoises circulent dans le golfe Persique parmi les marins arabes, suivis de Vénitiens.

La plupart des récits sont retracés par Ma Huan (馬歡), fidèle compagnon de route de l’amiral Zheng He. Durant leurs voyages, Ma Huan note minutieusement des éléments concernant la géographie, les lois, la politique, les conditions climatiques, l’environnement, l’économie, les coutumes locales. La compilation a été traduite en français les: Merveilles des océans (瀛涯勝覽).

Les récits sont initialement destinés à l’empereur, relatant notamment trois des sept expéditions dans les « océans occidentaux » :

Chronologie Date Régions parcourues
1er voyage 1405-1407 Champā, Java, Palembang, Malacca, îles Aru, Sumatra, Ceylan, Cochinchine, Calicut
2e voyage 1407-1409 Champā, Java, Siam, Cochinchine, Ceylan
3e voyage 1409-1411 Champā, Java, Malacca, Sumatra, Ceylan, Quilon, Cochinchine, Calicut, Siam, Lambri, Kaya, Coimbatore, Puttanpur
4e voyage 1413-1415 Champā, Java, Palembang, Malacca, Sumatra, Ceylan, Cochinchine, Calicut, Kayal, Pahang, Kelantan, Aru, Lambri, Ormuz, Maldives, Mogadiscio, Malindi, Aden, Mascate, Dhofar
5e voyage 1416-1419 Champā, Pahang, Java, Malacca, Sumatra, Lambri, Ceylan, Sharwayn, Cochinchine, Calicut, Ormuz, Maldives, Mogadiscio, Brawa, Malindi, Aden
6e voyage 1421-1422 Ormuz, Afrique de l’Est, Péninsule arabique
7e voyage 1430-1433 Champā, Java, Palembang, Malacca, Sumatra, Ceylan, Calicut, Ormuz…
Itinéraire des voyages de Zheng He de 1405 à 1433.

La première compilation date de 1416 environ. Après son premier retour, la version finale est imprimée en 1451.

D’invention chinoise, l’impression des cartes marines, le gouvernail d’étambot et la boussole ont permis la navigation hauturière qui n’intéressait pas la Chine impériale, mais qui a permis à l’Occident de faire ses découvertes.

le gouvernail d’étambot

Hypothèse de la circumnavigation chinoise

En 2002, une thèse, d’un militaire britannique Gavin Menzies soutint qu’une partie de la flotte aurait contourné le sud du continent africain pour remonter l’Atlantique jusqu’aux Antilles ; une autre partie aurait franchi le détroit de Magellan pour explorer la côte ouest de l’Amérique et, finalement, une troisième partie aurait navigué dans les eaux froides de l’Antarctique. Les côtes de l’Australie auraient même été atteintes lors de ces voyages d’exploration. Ils seraient donc, selon Menzies, les premiers à avoir fait le tour du monde.

Culte de Zheng He

Statue de Zheng He au temple de Sam Po Kong (le « Maître des Trois Joyaux ») à Semarang en Indonésie.

Sur la côte nord de l’île de Java en Indonésie, Zheng He est l’objet d’un culte. Des temples (klenteng) lui sont dédiés, dont le plus connu et le plus visité est le Sam Poo Kong à Semarang.

Le 11 juillet 2005, la Chine a célébré le 600e anniversaire des voyages maritimes de l’amiral Zheng He. À cette occasion, de nombreux articles, publiés par Renmin Ribao (Le Quotidien du Peuple), ont souligné le caractère essentiellement pacifique de la Chine d’hier comme d’aujourd’hui. Ce parallèle est repris dans des articles récents13.

En outre, une mosquée portant son nom, la Mesjid Cheng Hoo, a été construite à Surabaya par une association de Chinois d’Indonésie musulmans et inaugurée en 2007.

Dong Haichuan (董海川)

Dong Haichuan (董海川), né Dong Mingkui (董明魁) le  sur le xian de Wen’an, à Langfang, province du Hebei, et décédé le  à Pékin, est le créateur du Ba Gua Zhang (paume des huit trigrammes).Vous pourrez retrouver un article sur un autre de nos blogs plus approfondis sur sa vie et un autre sur son art.

Li Lianying (李连英)

Né en 1848, Li Lianying (李连英) et  mort le 4 mars 1911, Shichahai, Pékin, Chine est le dernier de la lignée des grands eunuques impériaux qui ont exercé le pouvoir à la tête de l’Etat à diverses périodes de l’empire chinois, en profitant le plus souvent de la faiblesse de l’empereur régnant et des divisions de la cour.

Li Lianying, quant à lui, est entré au service de la cour impériale à l’âge de six ans, et a débuté ses fonctions sous le règne de l’impératrice douairière Cixi (慈禧太后), exerçant un pouvoir croissant surtout à partir de 1869 ; devenu le principal serviteur et conseiller de l’impératrice, il a passé cinquante ans de sa vie à son service, au milieu des intrigues de la cour, accédant au titre d‘eunuque en chef’ (总管太监) jusqu’à sa déposition, en 1908.

Toutes les affaires de la cour en étaient venues à passer par lui : comme il contrôlait en particulier l’accès aux audiences de l’impératrice, il contrôlait aussi le flux d’informations et de requêtes qui lui parvenait. Mais c’est un personnage très controversé dont on ne sait en fait pas grand-chose. En effet, les grands eunuques des dynasties précédentes ont laissé des mémoires, et ont des biographies dans les histoires officielles de la dynastie.

d’autres eunuques célèbre en chine

  • Shu Diao, eunuque intrigant qui fut responsable de la guerre civile de succession dans l’état féodal de Qi ;
  • Cai Lun (v. 50-v. 121), considéré par convention comme l’inventeur du papier en 105 ;
  • Zhao Gao, ancien précepteur et ministre de Qin Er Shi (mort en -207) ;
  • Zhang Rang, tête de l’infâme « 10 Changshi » de la dynastie des Han de l’Est ;
  • Huang Hao, qui apparaît dans le roman Les Trois Royaumes ;
  • Li Fuguo, homme de confiance et ami loyal de l’empereur Tang Xuanzong des Tang ;
  • Yu Chao’en, surveillant de l’armée ;
  • Tong Guan, de la dynastie Song, qui apparaît aussi dans le roman Au bord de l’eau ;
  • Wang Zhen premier Ming;
  • Liu Jin, un autre despote célèbre ;
  • Wei Zhongxian, l’eunuque à la pire réputation de l’histoire chinoise ;
  • An Dehai, eunuque corrompu de la dynastie Qing, favori de l’impératrice veuve Cixi ;
  • Sima Qian, historien chinois, le premier à avoir tenté de décrire l’histoire de la Chine depuis sa création. Tous les historiens impériaux chinois se sont par la suite inspirés de son œuvre, le Shiji (史記 / 史记, Shǐjì).

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