Route de la soie

Carte des principales routes commerciales de la route de la soie : en rouge, les routes terrestres, en bleu, les routes maritimes.

La route de la soie est un réseau ancien de routes commerciales entre l’Asie et l’Europe, reliant la ville de Chang’an (actuelle Xi’an) en Chine à la ville d’Antioche, en Syrie médiévale (aujourd’hui en Turquie). Elle tire son nom de la plus précieuse marchandise qui y transitait : la soie.

La route de la soie était un faisceau de routes, terrestres mais aussi maritimes (et on peut donc parler aussi bien des routes de la soie), par lesquelles transitaient de nombreuses marchandises, ainsi que des techniques, des idées, des religions. Ces routes monopolisèrent les échanges Est-Ouest pendant des siècles. Les plus anciennes traces connues de la route de la soie, comme voie de communication avec les populations de l’Ouest, remontent à « 2000 avant notre ère au moins ». Les Chinois en fixent l’ouverture au voyage de Zhang Qian entre -138 et -126. Mais la route de la soie s’est développée surtout sous la dynastie Han ( –  apr. J.-C.), en particulier Han Wudi. Elle connut une nouvelle période de développement sous la dynastie Tang () puis durant la paix mongole, au xiiie siècle

À partir du xve siècle, la route de la soie est progressivement abandonnée, l’instabilité des guerres turco-byzantines, puis la chute de Constantinople poussant en effet les Occidentaux à chercher une nouvelle route maritime vers les Indes à travers l’Atlantique. L’abandon de la route de la soie correspond ainsi au début de la période des « Grandes découvertes » durant laquelle les techniques de transport maritime deviennent de plus en plus performantes. Du côté chinois, les empereurs Ming Yongle, puis Ming Xuanzong chargent, à la même époque, l’amiral Zheng He eunuque, d’expéditions maritimes similaires.

Étymologie

La route doit son nom à la marchandise la plus chère qui y transitait : la soie, dont les Chinois furent pendant longtemps les seuls à détenir le secret de fabrication. Cependant, cette appellation date du xixe siècle, et elle est due au géographe allemand Ferdinand von Richthofen(德语:Seidenstraße;英语:Silk Road).

Histoire

Détail des passages Nord et Sud autour du désert du Taklamakan.

Les principales routes de la soie entre 500 av. J.-C. et 500 ap. J.-C. (en latin).

Carte des routes commerciales radhanites Eurasie-Afrique vers 870.

Route Samarcande-Boukhara au xe siècle.

Le préhistorien André Leroi-Gourhan considère cette route comme un espace d’échanges actifs dès le paléolithique. Héritière de la Route de jade dont les vestiges datent de 7 000 ans, elle n’est cependant évoquée dans les chroniques chinoises qu’à partir du iie siècle av. J.-C. Selon Michèle Pirazzoli-t’Serstevens, cette route est mentionnée « depuis 2000 avant notre ère au moins » comme voie de passage pour des populations d’agro-pasteurs des steppes eurasiatiques, surtout éleveurs de chevaux. Par ailleurs, des études publiées en 2012 et 2014 sur la culture de Qijia (une culture du néolithique final du Nord-ouest) ont démontré que ces échanges portaient aussi sur l’apport de la technologie du bronze en Chine.

Quoi qu’il en soit, cet itinéraire serait le résultat de la curiosité que l’Empereur de Chine Wudi (141-87 av. J.-C.), de la dynastie Han, porte aux peuples civilisés lointains que l’on disait habiter les contrées occidentales, au-delà des tribus barbares.

Han Wudi (漢武帝), de son nom personnel Liu Che, est le septième empereur de la dynastie Han de Chine, régnant à partir du 9 mars 141 av. J.-C. et jusqu’à sa mort.

 

DERRIÈRE LA GRANDE MURAILLE

Les Chinois n’ont pas cherché à exporter la soie au-delà de leurs frontières jusqu’à ce que les circonstances les y obligent. À la fin du 3e siècle av. J.-C., l’Empereur Qin Shi Huang (dont le règne s’étale de 221 à 210 av. J.-C.) entreprend la construction de forts dans le nord du pays, posant ainsi les bases de ce qui allait devenir la Grande Muraille. Son objectif est alors d’endiguer les incursions des tribus nomades Xiongnu. Au fil du temps, le mur se révèle être insuffisant et en 138 av. J.-C., l’Empereur Han Wudi tente une approche nouvelle. Il essaie alors de sceller une alliance avec les Yuezhi, une tribu d’Asie centrale ennemie des Xiongnu.

Zhang Qian, jeune officier de la garde du palais de l’Empereur, se voit confier les rênes de cette mission diplomatique. Afin de rencontrer les Yuezhi, il doit passer par le territoire ennemi situé au nord-ouest et est fait capturé par les forces Xiongnu. Il ne remettra les pieds en Chine que 13 ans plus tard, après de longues années d’emprisonnement et l’échec de la mission qui lui avait été confiée.

Zhang Qian prenant congé de l’empereur Wudi, pour son expédition en Asie centrale de -139 à -126

Toutefois, grâce à cette aventure et à d’autres, les contrées mystérieuses de l’Ouest, à savoir l’Inde et l’Empire parthe qui correspondent aujourd’hui aux régions du nord-est de l’Iran, n’ont plus de secret pour Zhang Qian. Dans la vallée de Ferghana, au nord de l’Hindou Kouch, il découvre des chevaux bien plus grands que ceux qu’il a l’habitude de voir en Chine et estime que les bêtes seront de précieux atouts pour l’armée chinoise. En Parthie, il aperçoit les vestiges de la culture hellénistique établie par Alexandre le Grand en Asie centrale, premier contact majeur entre la Chine et la société indo-européenne. Point plus important encore, il discerne une convoitise largement répandue pour la soie chinoise.

Suite aux rapports de Zhang Qian à son retour en Chine, la dynastie Han voit dans le commerce vers l’ouest de nombreux avantages, notamment l’espoir d’obtenir les meilleurs chevaux de la vallée de Ferghana. Les responsables savent qu’il leur serait possible d’échanger leur soie contre ces chevaux. Ce commerce relierait alors la Chine aux marchés lucratifs de l’Occident, dont le monde romain à l’époque en pleine expansion.

L’itinéraire ne doit rien au hasard. Au 5e siècle av. J.-C., le vaste Empire perse avait déjà amélioré les déplacements à travers l’Asie occidentale et l’expansion à l’est d’Alexandre le Grand avait jeté les bases du commerce trans-asiatique. Il n’en demeure pas moins que les aventures extraordinaires de Zhang Qian constituent des étapes essentielles dans la création de la route de la Soie.

Des grottes sculptées par des moines bouddhistes ponctuent la portion de route chinoise de la route ...
Des grottes sculptées par des moines bouddhistes ponctuent la portion de route chinoise de la route de la Soie. Les grottes de Maijishan, construites au 4e et 5e siècles dans la province chinoise du Gansu, sont composées de 194 grottes taillées sur la façade abrupte d’une falaise.

CONTRE NEIGE ET TEMPÊTES DE SABLE

La capitale chinoise de l’époque, Chang’an (aujourd’hui Xi’an), constitue le point de départ de cette route commerciale. La route de la Soie n’était pas une autoroute à proprement parler mais un réseau de routes sinueuses s’enchevêtrant d’est en ouest. Depuis Chang’an, à titre d’exemple, une branche se dirigeait au sud-ouest jusqu’à l’embouchure du Gange, en Inde. Les produits de luxe transitant vers l’ouest comptaient des jades, des carapaces de tortues, des plumes d’oiseaux et, bien évidemment, de la soie. Les marchands apportaient également des métaux (de l’argent, du fer, du plomb, de l’étain et de l’or) ainsi que des denrées alimentaires (des épices dont du safran, du thé, des carottes et des grenades).

En 102 av. J.-C., les Chinois contrôlent les déplacements le long de la route de la Soie jusqu’à la vallée de Ferghana. Si les marchandises parcourent des milliers de kilomètres dans les deux directions, les marchands ne traversent probablement que de brèves portions de route. Lorsqu’ils rejoignent la ville suivante, ils vendent leurs marchandises aux locaux, qui parcourent à leur tour une autre portion de route et commercent avec les marchands qu’ils rencontrent. L’oasis de Dunhuang est le principal poste de douane chinois de l’époque. Les commerçants se rendant à l’ouest y font une halte de plusieurs jours afin d’y payer leur droit de sortie, tandis que des soldats fouillent précautionneusement leur cargaison pour s’assurer que personne ne sort illégalement du pays des vers à soie ou des cocons.

Depuis l’oasis, la trajectoire en direction de l’ouest se divise en trois routes principales. Les deux routes situées au nord contournent de chaque côté les montagnes célestes du Tian Shan, dont les cimes s’élèvent à 7 315 mètres de hauteur. La troisième route prend la direction du sud et passe par Khotan, célèbre pour ses tapis de soie et située à proximité de la ville chinoise d’Hotan aujourd’hui. Cette route borde l’infranchissable désert de Taklimakan, où les températures extrêmes et les tempêtes de sable coûtent la vie à de nombreux nomades.

Les routes du nord et du sud se rejoignent près de Kashgar, à la frontière de la Chine et du Kirghizistan actuels. Les marchands franchissent ensuite les montagnes du Pamir sur d’étroits sentiers enneigés, avant de descendre dans la vallée de Ferghana. Ils se reposent dans un lieu situé dans les environs et désigné par Ptolémée, géographe égyptien du 2e siècle ap. J.-C., comme la « tour de pierre ».

Considérée comme la ville actuelle de Taxkorgan par les historiens contemporains, elle était, selon Ptolémée, le centre névralgique de la route de la Soie. À l’image d’autres villes qui ponctuent la route, des marchands venus de toute l’Asie centrale attendent pour y commercer. Parmi eux, les Sogdiens, dont les terres entourent la ville commerciale de Samarcande, en Ouzbékistan, et qui deviennent les intermédiaires les plus importants de la route de la Soie reliant la Chine et l’Occident. Encore plus à l’ouest, les Parthes affluent sur les routes qui traversent leurs terres, situées dans des régions de l’Iran, de l’Irak et du Turkménistan contemporains, où se trouve la grande ville marchande de Merv.

Les rois parthes bâtissent des caravansérails afin d’y accueillir les marchands et leurs chameaux le long de la route menant à Ctésiphon, leur capitale au 1er siècle av. J.-C. située près de l’actuelle Bagdad. Ils traversent ensuite les déserts de Syrie par Palmyre jusqu’à la Méditerranée où les marchandises sont expédiées à Rome via les ports de Tyr et d’Antioche.

Le tableau ci-dessus a été peint par l'Empereur Huizong (de la dynastie des Song) au 12e ...
Le tableau ci-dessus a été peint par l’Empereur Huizong (de la dynastie des Song) au 12e siècle et serait une copie d’un original du 8e siècle du peintre Zhang Xuan de l’ère Tang. Réalisé à base d’encre, de couleurs et d’or appliqués sur une toile en soie, ce tableau intitulé « Des femmes de la cour confectionnent une étoffe de soie » illustre le travail effectué par les femmes de haut rang. D’une longueur de plus de 4,5 mètres, cette peinture exposée au musée des Beaux-Arts de Boston est saluée pour la pureté de ses lignes et l’éclat de ses couleurs.

LA ROUTE QUI A RÉVOLUTIONNÉ LE MONDE

Lors de l’effondrement de la dynastie Han en 220 av. J.-C., la Chine traverse une période de bouleversement politique. Au fil des siècles qui suivent, le monopole de la soie précieusement entretenu par les Han s’effrite et la production de soie commence à se développer au-delà des frontières chinoises. Au 6e siècle ap. J.-C., même les Romains se seront procuré leur propre approvisionnement après l’introduction clandestine de vers à soie dans l’Empire par l’Empereur romain Justinien.

De l’instant où il quitte la ville de Chang’an jusqu’à son déballage dans le quartier aristocratique d’une villa romaine un an plus tard, un rouleau de soie aura traversé une palette fascinante de cultures, de langues et de climats. Bien que la production de soie se soit étendue aux terres d’Occident, la route de la Soie continuera d’être un carrefour vibrant de cultures et d’échanges commerciaux.

Au-delà des marchandises, la route de la Soie transporte également des idées, des convulsions de la pensée et de la foi humaines qui remodèlent le monde. Le bouddhisme, le christianisme et l’islam empruntent ces chemins, affectant des cultures sur leur passage, façonnant les croyances et philosophies de différents peuples au cours du temps. Au 7e siècle, suite au retour de la Chine à la prospérité sous la dynastie Tang, la route sera ranimée par une nouvelle demande de la part des Chinois pour les produits de luxe venus d’Occident, les techniques de fabrication de l’argent, les chaises et la céramique. Afin de préserver ce commerce, les Tang entreprennent une importante expansion vers l’ouest, au moment même où les premiers missionnaires chrétiens se rendent à l’est par le biais de la route de la Soie. En parallèle, l’Islam émerge dans la péninsule arabique et se diffuse de plus en plus à l’est via les routes commerciales au cours du 8e siècle.

En 751, les troupes musulmanes des Abbassides affrontent les Chinois lors de la bataille de Talas. Cette bataille décisive, qui freine l’expansion vers l’ouest de la Chine, aurait eu une conséquence majeure. Selon la tradition, plusieurs prisonniers chinois captifs suite à la bataille de Talas auraient enseigné à leurs ravisseurs un art qui se serait diffusé à travers les contrées musulmanes jusqu’en Europe du Sud. Cette compétence transmise par les artisans chinois n’était rien d’autre que l’art de fabriquer le papier, un artisanat qui transforma l’histoire et son écriture.

Les Grecs, puis les Romains, commencent à parler du « pays des Seres » à partir du ive siècle av. J.-C. pour désigner la Chine). Vers le début de l’ère chrétienne, les Romains deviennent de grands amateurs de soie après en avoir acquis auprès des Parthes, qui sont alors les organisateurs de ce commerce.

De nombreux autres produits voyagent sur ces mêmes routes : musc, pierres précieuses, porcelaine, étoffes de laine ou de lin, jade, ambre, ivoire, laque, épices, verre (en particulier : les perles de verre avant qu’elles ne soient produites en Chine), corail, métaux précieux et armes, etc.

Les Sogdiens, un peuple indo-européen d’origine scythe établi en Sogdiane, dans l’ouest de l’actuel Ouzbékistan et les pays limitrophes, ont assuré depuis l’antiquité et surtout entre les vie et viiie siècles l’essentiel du commerce des voies d’Asie centrale entre la Chine, la Perse, l’Occident et l’Inde, et en particulier celui de la Route de la Soie. Polyglottes, ils ont fourni bon nombre d’espions, de traducteurs ou d’agents diplomatiques à qui voulait bien les employer. Maîtres de la Transoxiane (région située entre les fleuves Oxus et Syr-Daria), ils prélevaient de nombreuses taxes qui enrichirent leurs prestigieuses cités de Samarcande et Boukhara. La majorité des caravansérails d’Asie centrale étaient des établissements sogdiens. Ils contribuèrent également à la diffusion en Chine de religions comme le nestorianisme, le manichéisme et le bouddhisme. La soie, pour les producteurs chinois, était non pas un objet de profit mais, tout simplement, une monnaie qui servait à payer les fonctionnaires et à gratifier les souverains étrangers, dont les menaçants nomades. Ce furent les marchands sogdiens qui la captèrent en route et en firent un objet économique. Même de leur point de vue, il ne semble pas qu’elle ait toujours été perçue comme formant l’essentiel de leur activité. Les marchandises qu’ils transportaient, de toute façon en très faibles quantités, étaient plutôt le musc et le santal.

Parcours

Un sogdien sur un chameau de Bactriane. Figurine chinoise sancai, période Tang, entre 618 et 907. Musée de Shanghai.

Xi’an est, du côté chinois, l’extrémité est de la route de la soie. Le parcours a été considéré comme officiellement « ouvert » par le général chinois Zhang Qian au iie siècle av. J.-C. Les empereurs Han assiégés par des barbares nomades (les Xiongnu) décident d’ouvrir au commerce et au monde extérieur la soie, alors monopole d’État : Ils ont en effet besoin d’alliés et de chevaux.

À l’apogée de la Dynastie Tang (618-907), la ville capitale de Chang-An (Xi’an) abrite deux millions d’habitants, soit dix fois plus que Constantinople ou Cordoue, mille fois plus qu’Aix-la-Chapelle au temps de Charlemagne.

Les convois de caravanes partent de Xi’an, Lanzhou ou Xining et empruntent le corridor du Gansu. Ils contournent ensuite le désert du Taklamakan, l’un des plus arides du monde, soit par la voie du nord ou par celle du sud. Ces deux itinéraires possibles possèdent chacun différentes variantes, et sont jalonnés de villes et caravansérails, dont les noms et l’importance varient au fil des temps. Toutes les pistes progressent le long d’un chapelet d’oasis-forteresses situées à la périphérie du désert et au pied des hautes montagnes des Tian Shan ou des Kunlun :

  • soit, pour l’itinéraire nord, les sites de Tourfan, Ürümqi, Karachahr, Koutcha, Aksou, Kachgar ;
  • soit, pour l’itinéraire sud, les sites de Dunhuang, Miran, Cherchen, Niya, Khotan, Yarkand.

À partir de Kachgar et Yarkand, les pistes rejoignent la Perse ou l’Inde à travers les hautes montagnes de l’Asie centrale (Pamir, Hindū-Kūsh et Karakoram), puis par la Sogdiane (Samarcande, Boukhara, Merv), la Bactriane (Balkh) ou le Cachemire (Srinagar). En réalité, très rares sont ceux qui ont eu l’occasion de parcourir l’intégralité du trajet: Marco Polo, son père et son oncle furent de ceux-ci.

Les marchandises venues d’Orient ou d’Occident s’échangent dans les oasis, devenues d’importants comptoirs fréquentés non seulement par les commerçants mais aussi par les pèlerins, les soldats et les espions. À son apogée, la Route de la soie relie — côté ouest — l’Empire byzantin et — côté est — une vaste région qui va des Trois royaumes jusqu’aux territoires de la dynastie Yuan en zone chinoise.

Les premiers voyageurs chinois sur la Route de la Soie

– Ban Chao (班超): au Ier siècle de notre ère, il fut l’un des plus grands généraux de Chine et s’empara des royaumes de la Route de la Soie (Loulan, Khotan et Kashgar); il établit les premiers contacts avec les Parthes, les Babyloniens et les Syriens

Le vénitien Marco Polo est l’un des voyageurs les plus connus de la Route de la Soie. Parti pour ouvrir une route commerciale vers l’est, il alla plus loin encore que tout autre voyageur l’ayant précédé, jusqu’aux confins de l’Empire du Milieu. Proche de Kublai Khan, l’empereur mongol (et petit fils de Ghengis Khan), il devint un personnage important. De retour à Venise, vingt-quatre années plus tard, il dicta le récit de ses aventures dans un livre intitulé “Le devisement du monde”, également connu sous le titre “Le livre des merveilles”.

Les explorateurs européens du XIXe siècle

Le Suédois Sven Hedin fut le premier étranger à explorer les anciennes cités et ruines du Taklamakan. Il y a mené les premières expéditions en 1895 et 1899. Le jeune Suédois (il avait alors 30 ans) mit à jour les premiers vestiges des cités qu’on croyait alors perdues à jamais telle que l’ancienne ville de garnison chinoise de Loulan. Malgré son inexpérience en matière archéologique, ses observations furent cruciales et cela lui valut d’être considéré comme un héros dans toute l’Europe jusqu’au jour où il choisit de soutenir l’Allemagne de l’empereur Guillaume en 1914 et celle d’Adolf Hitler lors de la Seconde Guerre mondiale. Il fut dénigré et on oublia sa contribution dans l’exploration du troisième plus grand désert de la planète.

Le britannique Aurel Stein organisa quatre expéditions en 1900-1901, 1906-1908, 1913-1915 et 1930. Il en ramena des grottes de Mogao près de 7000 manuscrits ainsi que de très rares bannières de temples et autres draperies votives des IXe et Xe siècles, … aujourd’hui conservés à la British Library de Londres.

Le français Paul Pelliot explore le Turkestan en 1908-1909. Il découvre à Kucha un grand nombre de textes bouddhiques, dont certains dans des langues alors inconnes. Durant son séjour près de Dunhuang, il achète de nombreux manuscrits découverts dans les grottes de Mogao. Ceux-ci s’avérèrent d’une grande importance pour l’étude de l’Asie centrale de la période VIe au XIe siècle et la diffusion du bouddhisme vers la Chine par la route de la soie. Ses travaux des années 1920-30 font toujours autorité.

L’allemand Albert von Le Coq fut le grand rival de Sir Aurel Stein. Ses expéditions dans le Turkestan chinois remplirent les salles du Musée ethnologique de Berlin. Il fit ainsi enlever dans les grottes de Kizil des panneaux entiers de fresques et vida certains temples de tout leur contenu.

Déclin de la « Route de la Soie »

La longueur du parcours, les nombreux intermédiaires, les multiples dangers encourus par les voyageurs sur ces pistes soumises aux incursions de peuples belliqueux et aux attaques des brigands (surtout après la fin de la Pax Mongolica et la dislocation de l’empire mongol au xive siècle et l’ouverture par les Européens de la route maritime des Épices), vont finir par contribuer au déclin de l’itinéraire terrestre de la « route de la soie ». Ainsi, par exemple, la région du « Turkestan chinois » est sous la souveraineté théorique de l’empereur de Chine, mais cette domination subit en réalité de fréquentes éclipses, dues à son grand éloignement et à la difficulté d’y maintenir des garnisons suffisantes.

L’extrême rigueur du climat (torride en été et glacial en hiver) complique l’acheminement, qui progresse cahin-caha pendant parfois plus d’un an, à dos de yacks ou en caravanes de cinquante à mille chameaux

Au total, l’ensemble de ces facteurs renchérissent le prix des produits qui transitent entre l’Extrême-Orient et le bassin méditerranéen. Ces raisons incitent les Européens à rechercher et à pratiquer une route maritime (aussi appelée routes des épices ou « routes des parfums ») pour commercer avec les pays d’Orient.

Par ailleurs, les soies chinoises intéressent moins les Européens car la fabrication de la soie se développe en Europe même.

Au xve siècle, la Route de la soie est progressivement abandonnée.

Impact culturel de la « route de la soie »

  • La route est aussi utilisée par les pèlerins qui cherchent à refaire les pérégrinations du Bouddha. Parmi les plus célèbres, on peut citer :
    • le moine Faxian (法顯) en 399 (le récit de son pèlerinage se trouve dans les Mémoires sur les royaumes bouddhiques) ;
Faxian visitant les ruines du palais d’Ashoka
    • le moine Xuanzang (玄奘) en 629, héros du célèbre roman chinois Le Voyage en Occident, qui voyagea pendant 15 ans .Xuanzang est connu pour son énorme travail de traduction des textes bouddhiques indiens en chinois, permettant ainsi la reconstitution de textes indiens perdus grâce à ses traductions. Il est également à l’origine d’une école bouddhique. Son récit de voyage offre une description de l’Inde bouddhique au moment où elle entame son déclin. Il est d’un intérêt majeur pour la connaissance de l’Inde de cette époque. Le Voyage de Xuanzang et les légendes qui ont grandi autour de celui-ci ont inspiré le roman Xiyouji (西游记)

    • en 964, 300 moines chinois vont rechercher les enseignements des mahayanistes.
  • Elle est la voie de diffusion vers l’Occident de découvertes chinoises majeures : boussole, poudre à canon, papier-monnaie, imprimerie, etc.
  • Elle est également – en sens inverse – la voie par laquelle plusieurs religions étrangères pénètrent en Chine : bouddhisme, christianisme nestorien, judaïsme, manichéisme et islam sont introduits le long de l’itinéraire jusqu’à Xi’an.
  • À titre d’exemple, l’art bouddhique, influencé par l’art grec, se diffuse jusque dans la vallée de l’Indus à la suite des conquêtes d’Alexandre le Grand. Il laisse, dans de nombreux sites abandonnés plus tard et ensevelis sous les sables du désert, des vestiges redécouverts à partir de la seconde moitié du xixe siècle, et qui témoignent des influences culturelles véhiculées au Moyen Âge. Cette région, surtout le bassin du Tarim, a vu de temps à autre se réaliser des syncrétismes culturels à partir d’influences indiennes, persanes, occidentales et chinoises (art dit « sérindien »).
  • Entre 1860 et 1925, cette région est explorée et fouillée par des explorateurs et des savants occidentaux au profit des musées de Londres, Berlin, Paris ou Saint-Pétersbourg.

Postérité de la « route de la soie »

Par une culture internationale, elle a permis des échanges matériels, culturels, religieux et scientifiques entre peuples aussi divers et mutuellement lointains que les Turcs, les Tokhariens, les Sogdiens, les Perses, les Byzantins et les Chinois.

Dans les régions qu’elle traverse, les richesses qu’elle génère représente une force d’attraction et ouvre des horizons pour des tribus qui vivent jusque-là de façon isolée. Ces peuples sont attirés par les richesses et les opportunités qui se présentent à eux et deviennent maraudeurs ou mercenaires. Beaucoup de leurs membres deviennent ainsi des guerriers redoutables, capables de conquérir des cités riches, des terres fertiles et de forger des empires.

Elle évoque pour certains un processus assimilable à la mondialisation. Elle est à l’évidence un sujet intéressant pour ceux qui veulent observer un phénomène précoce d’intégration politique et culturelle, causé par le commerce international.

Elle a :

  • suscité le rassemblement d’États militaires fondés par des nomades de Chine du Nord ;
  • amené le nestorianisme, le manichéisme, le bouddhisme puis l’islam en Asie centrale et en Chine ;
  • provoqué le puissant empire des Turcs Khazars ;
  • contribué, à la fin de sa gloire, entre autres facteurs, à l’établissement du plus grand empire continental de tous les temps : l’Empire des Mongols, avec ses centres politiques répartis sur toute la route (Pékin en Chine du Nord, Karakorum en Mongolie orientale, Samarkand en Transoxiane, Tabriz à l’ouest de l’Iran, Astrakhan sur la Volga, Bahçesaray en Crimée, Kazan en Russie centrale, Erzurum en Anatolie orientale). Cet empire réussit à unifier, sous la terreur, ces zones auparavant liées de façon intermittente par des rapports commerciaux, mais ne sera qu’éphémère.

L’unité politique de cette région ne survit pas à la chute de l’Empire mongol, la culture et l’économie de la région en souffrent également. Les seigneurs turcs extorquent à l’Empire byzantin décadent l’extrémité ouest de la route et posent les fondations du futur Empire ottoman. De même, à la suite de l’islamisation de la région, les Chinois deviendront durablement méfiants vis-à-vis de cette voie commerciale, dès la fin de la dynastie Tang, et préféreront la fermeture puis le commerce maritime, qui commencera alors à prendre son essor.

Nouvelle route de la soie

Ce projet serait notamment constitué du tronçon d’autoroute de 213 kilomètres entre Kashgar et Erkeshtam est entré en service en septembre 2013.

C’est un chantier titanesque. L’Europe, la Chine et les pays d’Asie centrale sont engagés dans la construction d’un nouvel axe commercial majeur. La nouvelle route de la soie pourrait redistribuer les cartes, à l’heure où la mondialisation de l’économie fait pencher la balance vers l’Est. Plusieurs tronçons ont déjà été transformés en autoroute.

La partie chinoise de cette route sera constituée des passages par Lianyungang, dans la Province du Jiangsu, et Xi’an, dans la Province du Shaanxi, et par la région autonome ouïghour du Xinjiang.

Cette route pourrait alors rejoindre l’Europe en passant par le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Iran et la Turquie. Côté chinois, on achève le Xinsilu, une quatre-voies de 5 000 km qui relie la mer Jaune aux monts Tian. Un axe qui a pour but de délester la route maritime, par laquelle transitent des millions de conteneurs par an.

Deux autres routes sont envisagées pour rejoindre l’Europe : une passant par le Kazakhstan et la Russie, et l’autre traversant le Kazakhstan via la mer Caspienne. Les travaux ne sont pas financés par l’Union européenne, qui n’apporte aucune aide logistique. Les bailleurs sont la Banque européenne de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque de développement islamique.

Cette route permettra notamment de faciliter le commerce entre la Chine populaire et les pays d’Asie centrale, dont les échanges s’élevaient à 25,2 milliards de dollars américains en 2008. Une liaison ferroviaire allant de la région autonome ouïghoure à l’Iran et desservant le Tadjikistan, le Kirghizistan et l’Afghanistan est également envisagée.

La route du sud, via la Turquie et l’Iran, est pour l’instant délaissée en raison des sanctions de l’ONU imposées à l’Iran. Ce pays est par ailleurs en conflit avec ses voisins sur le partage des eaux de la mer Caspienne.

Un nouveau terminal pour ferrys, tankers et cargos est en chantier à Alat, le nouveau terminal portuaire de Bakou. Cette gigantesque plate-forme, dotée des meilleurs équipements, assurera toutes les jonctions possibles entre bateaux et trains, wagons-citernes et pipelines, conteneurs et camions. « Alat pourra traiter jusqu’à 25 millions de tonnes de fret par an contre 7 millions en 2012, depuis le vieux port de Bakou », confirme Mousa Panahov, le vice-ministre des Transports de Chine.

En 2012, il faut compter au minimum un mois pour acheminer des marchandises depuis Shanghai jusqu’à Rotterdam par la mer, via le canal de Suez; moins de trois semaines en train, et environ quinze jours en camion. Les experts estiment que ces deux derniers voyages terrestres pourraient être réduits de moitié en améliorant les infrastructures et en harmonisant les législations. Un programme dont l’Azerbaïdjan se verrait bien le champion. Le budget consacré par Bakou aux transports (trois milliards d’euros en 2010) est d’ailleurs le premier poste de dépense de l’État azéri. Élément essentiel de cette stratégie, la voie ferrée Bakou-Tbilissi-Kars a été rénovée, des rails et traverses aux locomotives et à l’alimentation électrique. Fort de ses pétrodollars, l’Azerbaïdjan a prêté 400 millions d’euros à son voisin géorgien pour ce chantier.

La route de la soie du troisième millénaire, de même que son modèle original, ne suit pas un trajet unique. Depuis la rive orientale de la mer Caspienne, trois itinéraires différents permettront de rejoindre les contreforts des monts Tian, puis d’entrer en Chine par une dizaine de points de passage.

Plus que la qualité du bitume ou de l’écartement des rails des voies ferrées, c’est le temps et l’argent perdus aux frontières (environ 40 % de la durée et du coût du voyage) et le coût des transports terrestres qui sont les principaux obstacles à la reconstruction de la route de la soie, qui ne peut être une voie économiquement adaptée aux transport des énormes tonnages de marchandise de masse caractérisant la mondialisation moderne qui n’a finalement rien de commun avec le commerce de la route de la soie historique qui était seulement une voie de commerce et de négoce fondée sur des produits rares et précieux.

Le 14 mai 2017, la Chine ouvre un sommet consacré au projet de nouvelle route de la soie.

NB :Voici le lien de nôtre page YouTube ou vous pourrez retrouverez un reportage sur la grande histoire de la route de la soie .

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