danse du lion

(舞獅)

La danse du lion (chinois simplifié : 舞狮 ; chinois traditionnel : 舞獅 ; pinyin : wǔshī, parfois appelée danse de la licorne ou danse du qilin au Viêt Nam) est une danse traditionnelle de la culture chinoise et d’autres pays asiatiques où des danseurs, revêtus d’un costume de lion, imitent les mouvements de l’animal. Elle est exécutée le plus souvent pour le Nouvel An chinois et pour d’autres festivités religieuses ou culturelles chinoises, mais aussi à des ouvertures de foires commerciales, pour des mariages, ou tout simplement pour honorer des invités importants : cette danse est censée apporter la chance.
Elle est parfois confondue avec la danse du dragon malgré deux différences importantes : le nombre des danseurs (deux pour chaque lion, alors qu’un seul dragon en demande au moins une douzaine) et le fait que les danseurs sont visibles dans la danse du dragon, figurine qu’ils tiennent et manipulent au bout de longues perches. Les mouvements de base de la danse du lion, contrairement à ceux de la danse du dragon, se retrouvent par ailleurs dans la plupart des arts martiaux chinois.
L’origine de la danse du lion est incertaine, mais n’est probablement pas chinoise, l’animal y étant inconnu avant la dynastie Han. Outre les deux formes principales de la danse, au nord et au sud de la Chine (cette dernière largement répandue dans le monde entier par la diaspora chinoise), on trouve également des versions japonaises, coréennes, tibétaines et vietnamiennes. Une autre forme de la danse du lion existe dans la culture indonésienne, mais elle provient d’une tradition différente et est plutôt décrite sous le nom de Singa Barong.

Historique

Il existe une tradition chinoise, remontant à l’Antiquité, de danseurs portant des masques d’animaux ou de créatures mythiques ; dans des textes tel que le Classique des documents, des descriptions de danses de bêtes sauvages et de phénix pourraient ainsi être des danses masquées. Dans des ouvrages de la dynastie Qin sont décrits des danseurs exécutant des rituels d’exorcisme et portant des masques d’ours ; des textes de la dynastie Han mentionnent des « mimes » (象人) imitant des poissons, des dragons, et des phénix.
Cependant, le lion n’est pas présent en Chine avant la dynastie Han, et l’on suppose donc que la danse du lion viendrait de pays comme la Perse et aurait été introduite en Chine en passant par l’Asie centrale ; d’autres auteurs envisagent une origine indienne. Selon l’ethnomusicologue Laurence Picken (en), le mot chinois pour « lion », shi (, écrit autrefois), pourrait être dérivé du mot perse šer. Le mot shi(zi) signifiant « lion » apparait dans des textes de la dynastie Han en association étroite avec l’Asie centrale (un terme antérieur devenu obsolète était suanni (狻麑 ou 狻猊)) ; des lions furent présentés à la cour des Han par des ambassadeurs de l’Empire parthe.
Des descriptions détaillées de la danse du lion apparaissent sous la dynastie Tang ; à cette époque, les écrivains et les poètes la considèrent comme une danse étrangère. Cependant, des danses analogues ont peut-être été remarquées en Chine dès le troisième siècle de notre ère, Meng Kang (孟康), un érudit de l’époque des Trois Royaumes, décrivant des « scènes de lion » dans un commentaire du Hanshu. Ces premières mentions l’associent avec le bouddhisme : dans un texte de la dynastie Wei du Nord, Description des temples bouddhistes à Luoyang (洛陽伽藍記), une parade d’une statue de Bouddha du temple de Changqiu (長秋寺) est menée par un lion pour chasser les mauvais esprits.
Plusieurs versions de la danse existaient sous la dynastie Tang. À la cour des Tang, la danse du lion était appelée la Musique de la Grande Paix (太平樂, Taiping yue) ou la Danse des Cinq Directions (五方師子舞), où cinq grands lions de différentes couleurs, correspondant à différentes émotions, étaient chacun tenu en laisse par deux personnes, et accompagnés par 140 chanteurs. Dans une version plus tardive, les cinq lions avaient plus de trois mètres de hauteur, et chacun était accompagné de douze « écuyers » qui les agaçaient avec des plumeaux rouges.
Une autre version de la danse était exécutée par deux personnes, comme cela est décrit par le poète Bai Juyi dans Arts des Liang occidentaux (西凉伎) ; la danse est présentée par des danseurs hu (, dans ce contexte, des populations non Han venant d’Asie centrale) portant un costume de lion avec une tête en bois, une queue de soie et un costume en fourrure, des yeux bordés d’or, des dents recouvertes d’argent, et des oreilles mobiles, dans un spectacle ressemblant à la danse du lion actuelle ; vers le huitième siècle, cette danse avait atteint le Japon. Durant la dynastie Song, la danse du lion était couramment exécutée durant des festivals, et connue comme danse du lion du Nord sous les Song du Sud.
Dans le sud de la Chine, une forme dite méridionale de la danse du lion apparut par la suite, vraisemblablement originaire de la province du Guangdong. Plusieurs mythes sont associés à cette danse : une version parle de la célébration de la mise en fuite d’un monstre appelé Nian ; une autre veut que l’empereur Qianlong ait rêvé d’un animal porte-bonheur alors qu’il visitait la Chine du Sud, et ait ordonné que l’image de l’animal soit utilisée durant les fêtes. Il est cependant probable que le lion du Sud soit une adaptation du lion du Nord aux mythes locaux de Canton, peut-être sous la dynastie Ming.

Variantes régionales

Les deux principaux types de danse du lion en Chine sont les danses du Nord et du Sud. Il existe cependant nombre de variantes locales, et certains de ces lions sont d’aspect très différent, comme par exemple le lion vert (chinois traditionnel : 青獅 ; pinyin : qīng shī), populaire dans la province du Fujian et à Taïwan. D’autres minorités ethniques de Chine ont souvent aussi leurs propres danses du lion ; c’est par exemple le cas de la minorité musulmane du xian de Shenqiu dans le Henan. On trouve aussi des danses masquées représentant des créatures mythiques apparentées, comme le qilin et le pixiu. La danse du qilin, qui a donné naissance à l’appellation « danse de la licorne », est le plus souvent exécutée par les Hakkas, originellement venus de Chine du Nord, mais désormais installés dans le sud de la Chine et en Asie du sud-est.
On rencontre d’autres formes de la danse du lion dans la plupart des pays d’Extrême-Orient, comme le Japon, la Corée ou le Viêt Nam, ainsi que parmi les communautés de l’Himalaya.
Le lion de la Chine du Nord
La danse du lion de la Chine du Nord (chinois simplifié : 北狮 ; pinyin : běi shī) est souvent exécutée par un couple de lions (un mâle et une femelle). La tête est en bois doré, avec une crinière hirsute orange et jaune, ornée d’une rosette rouge pour le mâle et verte pour la femelle. Cependant, des variantes locales existent.
Le lion du Nord ressemble à un pékinois ou à un lion gardien, et ses mouvements sont réalistes. Il se livre souvent à des acrobaties, se tenant en équilibre sur une plateforme ou sur une grosse boule. Ils se présentent souvent en famille, avec un couple d’adultes et deux lionceaux ; deux danseurs occupent le corps de chaque lion adulte ; la famille est souvent précédée d’un « guerrier » tenant un objet sphérique et guidant les lions.
La danse du Nord est en général moins solennelle que celle du Sud. On rencontre souvent des variations acrobatiques de la danse, par exemple la danse de la Tour céleste (chinois simplifié : 天塔狮舞 ; pinyin : tiān tǎ shī wǔ), du xian de Xiangfen dans le Shanxi, dans laquelle plusieurs lions escaladent une haute tour formée de tabourets en bois21 ; on connait aussi des acrobaties de lions sur fil de fer. Parmi les régions ayant les troupes de lions les plus réputées, on trouve le xian de Xushui dans la province du Hebei, et le xian de Ninghai dans celle du Zhejiang.
Le lion de la Chine du Sud
La danse du lion de la Chine du Sud (chinois simplifié : 南狮 ; pinyin : nán shī) est originaire du Guangdong. Le lion, associé à la légende du monstre mythologique appelé Nian, est représenté avec une corne unique (d’où l’appellation de danse de la licorne, plus fréquente au Viêt Nam). La tête du lion est généralement faite en papier mâché sur un cadre de bambou; le corps est formé de couches de tissu solide bordé de fourrure. Récemment, on s’est mis à fabriquer des lions avec des matériaux modernes plus légers, comme de l’aluminium, et rendus plus brillants par des revêtements métalliques, mais qui sont moins durables que la laque traditionnelle. Les costumes des danseurs sont assortis au lion, bien que certains portent des pantalons de kung-fu pour un aspect plus traditionnel.
Il y a deux styles principaux de cette danse : le Foshan (chinois simplifié : 佛山 ; pinyin : fúshān ; litt. « colline des bouddhas »), et le Heshan (chinois simplifié : 鹤山 ; pinyin : hèshān ; litt. « colline de la grue »), tous deux nommés d’après leur lieu d’origine. D’autres styles mineurs sont le Fut-Hok (un hybride du Foshan et du Heshan créé à Singapour par Kong Chow Wui Koon vers 1960), et le Jow Ga (en) (exécuté par des pratiquants du style de kung-fu de la famille Jow). Ces différents types se distinguent en particulier par le dessin de la tête du lion.
Le Foshan est le style qu’adoptent la plupart des écoles de kung-fu.
Il demande des mouvements puissants et de la force pour tenir les postures. Le lion devient un emblème de l’école de kung-fu, et seules les élèves les plus avancés sont autorisés à participer à la danse. Le lion Foshan traditionnel a des soies dures au lieu de fourrure, et est plus lourd que les modèles populaires modernes ; il a aussi une queue très longue à laquelle sont souvent attachées des clochettes, des yeux pivotant de droite et de gauche, des dents et une langue saillante. Derrière, on trouve une plaque métallique sur laquelle le nom de la troupe peut être inscrit. Enfin, il possède un large front, des lèvres ourlées, et, comme tous les lions du Sud, une corne, pointue dans ce style. Des styles régionaux de ce lion se sont développés dans le monde entier ; en général, les soies sont remplacées par de la fourrure, la queue est moins ornée (et les clochettes sont supprimées), les yeux sont fixes et la langue ne sort pas.
Le lion Heshan est connu pour sa richesse expressive, sa démarche unique, son aspect impressionnant, et le style dynamique de la musique de tambours qui l’accompagne. On pense que ce style a été créé par le « roi du lion de Canton », Feng Gengzhang (chinois traditionnel : 馮庚長 ; pinyin : Féng Gēngzhǎng), au début du 20e siècle. Feng venait d’un village de la ville-district de Heshan, dans le Guangdong ; son père lui avait appris les arts martiaux et la danse du lion. Par la suite, il étudia la danse du lion de Foshan avant de revenir dans son village et d’y créer sa propre école. Il développa sa version unique de la danse du lion en imitant les mouvements des chats, inventant des figures telles que « capture de la souris », « capture de l’oiseau », ou « roulade sur le flanc » ; lui et ses disciples introduisirent aussi des changements dans la tête du lion, abaissant son front, arrondissant sa corne, et lui donnant un bec de canard avec des lèvres plates.
Le corps du lion a également un aspect plus puissant, et est revêtu de couleurs éclatantes. Combinant de nouveaux pas de danse, des déplacements agiles, et un rythme unique appelé le « tambour des sept étoiles », Feng créa un nouveau style, divertissant et d’un grand appel visuel. Au début des années 1920, la danse du lion Heshan fut exécutée en public alors que Sun Yat-sen était gouverneur militaire de Guangzhou, et fit sensation. Vers 1945, les danseurs Heshan étaient souvent invités pour des festivals et des célébrations non seulement en Chine, mais dans toute l’Asie du Sud-Est. Le style Heshan devint très populaire à Singapour sous le nom de Hok San ; le lion y prenant le titre de « roi des rois des lions », et portant sur le front l’idéogramme « roi » (). D’autres améliorations ont été apportées par l’Association Hok San de Singapour, raccourcissant la queue du lion pour le rapprocher des chats, et créant de nouveaux accompagnements de tambour.
Différentes couleurs indiquent l’âge et le caractère des lions. Le lion blanc est le plus âgé, le lion à la fourrure jaune d’or est l’enfant du milieu et le lion noir est le plus jeune ; ses mouvements doivent être vifs comme ceux d’un enfant ou d’un adolescent rebelle. De même, le lion doré représente la vivacité, le lion rouge le courage, et le lion vert l’amitié. Par ailleurs, trois figures de lions représentent les trois frères de sang du roman des Trois Royaumes ayant juré de restaurer la dynastie Han :
  • Le lion Liu Bei (Lau Pei en cantonais) est l’ainé des trois frères , son visage est jaune impérial (car il devint le premier empereur du royaume de Shu) et sa barbe et sa fourrure sont blanches en signe de sagesse. Sa queue multicolore montre qu’il contrôle les cinq éléments. Son collier porte trois médailles pour rappeler qu’il est l’aîné. Ce lion est utilisé par les écoles dirigées par un maître d’art martial (Sifu), et est connu comme le Rui Shi (chinois traditionnel : 瑞獅 ; pinyin : Ruì Shī ; litt. « Lion de la Fortune »).

  • Le lion Guan Gong (Kwan Kung en cantonais) a un visage rouge, des soies et une longue barbe noire (un des surnoms de Guan Gong était « le duc à la belle barbe »). Sa queue est rouge et blanche. En tant que cadet, son collier porte deux médailles. Ce lion, souvent utilisé, et qui représente également la force et le courage, est connu comme le Xing Shi (chinois traditionnel : 醒獅 ; pinyin : Xǐng Shī ; litt. « Lion Éveillé »).

  • Le lion Zhang Fei (Cheung Fei en cantonais) a un visage noir, une courte barbe, des petites oreilles, et des soies noires ; sa queue est noire et blanche. En tant que benjamin, son collier ne porte qu’une médaille ; traditionnellement, son corps est recouvert de clochettes pour avertir de son approche. Ce lion est utilisé par les clubs débutants ou voulant lancer un défi ; il est connu comme le Dou Shi (chinois traditionnel : 鬥獅 ; pinyin : Dòu Shī ; litt. « Lion Combattant »), car Zhang Fei avait un caractère emporté et adorait se battre.

Trois autres lions furent ultérieurement ajoutés à ce groupe : un lion vert, appelé le Lion Héroïque, représentant Zhao Yun (souvent considéré comme le quatrième frère), un lion jaune-orange, appelé le Lion Juste, représentant Huang Zhong, et un lion blanc, le Lion Funéraire, représentant Ma Chao, qui n’apparait que pour l’enterrement d’un maître ou d’un dirigeant du groupe. Avec Guan Gong et Zhang Fei, ils constituent les « cinq généraux-tigres de Shun », et chacun correspond à une des couleurs des cinq éléments.
La danse du lion est connue au Viêt Nam sous le nom de danse du qilin ou de la licorne (vietnamien : múa lân). Elle est importée de Chine, mais a acquis des caractéristiques locales : bien que la plupart des lions du Viêt Nam ressemblent à ceux de la Chine du Sud, leur performance et le détail de leur aspect en diffèrent nettement. La danse est exécutée principalement lors de fêtes traditionnelles comme celle du Têt et lors de la fête de la mi-automne (Trung thu tiết), ainsi qu’à d’autres occasions comme l’inauguration d’un nouveau magasin. La danse a pour but de chasser les mauvais esprits, et est souvent accompagnée par des pratiquants d’arts martiaux et des acrobates.
Une caractéristique de la danse de la licorne vietnamienne est d’être accompagnée par Ông Địa, l’esprit de la Terre, représenté comme un homme au grand sourire et au gros ventre tenant un éventail en feuilles, ressemblant au « Bouddha à grosse tête » (大头佛) chinois, lequel apparaît parfois dans la danse du lion de la Chine du Sud. Cet esprit bienveillant est censé avoir le pouvoir d’invoquer la licorne, animal apportant la chance ; durant la danse, il lui ouvre le chemin. L’aspect comique de Ông Địa ajoute au caractère festif et joyeux de la danse.
« Bouddha à grosse tête » (大头佛)

NB : Voici le lien de nôtre page YouTube sur une vidéo montrant un des plus grand film chinois Dreadnaught (勇者無懼) en 1981 sur la danse du lion, vous y trouverez acrobaties et combat entre le nord et le sud !

 

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L’école du lion d’or, association Pai Liang Qiao, fut fondée en 2014 par Philippe Reus, élève du maître Hu Dong Liang, dernier descendant de l’école du Lotus Blanc.

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