Les 5 éléments (suite)
Cycles
Selon le système intégré achevé sous les Han, tous les éléments de l’univers se répartissent entre ces cinq catégories qui composent entre eux un cycle de génération ou engendrement (生, shēng) et un cycle de domination ou destruction (勝, shèng ou 克, kè).
- Cycle de génération (ou engendrement) : métal → eau → bois → feu → terre → métal
- Cycle de domination (ou destruction) : métal → bois → terre → eau → feu → métal
Tous les changements observables, suivant la loi de cause et effet, de quelque domaine que ce soit, s’expliquent par ces relations.
L’ordre traditionnel d’énumération dans la langue, « métal-bois-eau-feu-terre », qui ne correspond à aucun des deux ci-dessus, s’explique probablement par des considérations euphoniques ou par la correspondance avec les points cardinaux plus la terre-centre à la fin.
La relation d’engendrement (ou de destruction) entre les éléments A et B est motivée par la possibilité d’effectuer une action sur A permettant de favoriser (ou d’empêcher) l’émergence de B ou d’une propriété saillante de B.Cycle de génération ou d’engendrement :
Si le dominant est faible et le dominé est fort, alors il y a « relation d’outrage » : l’élément qui doit tenir le rôle de dominant se fait dominer par l’élément qui doit tenir le rôle de dominé. En Médecine Chinoise Traditionnelle, cette relation d’outrage est l’indice de déséquilibres affectant la santé de l’individu. Par exemple, dans le cycle de domination, l’EAU est censée contrôler l’élément FEU (afin de réguler ce dernier) mais s’il y a relation d’outrage, alors c’est le FEU qui « se retourne » contre l’EAU, et domine celle-ci, ce qui va à l’encontre du bon fonctionnement du cycle. On aura alors un FEU (=Cœur) qui va assécher l’EAU (=Rein) et dérégler le cycle.
Évolution
Dans le Shangshu, ouvrage chinois le plus ancien avec le Shijing puisqu’il date théoriquement des Zhou, la dénomination « cinq éléments » apparait dans le Livre des Xia et le Hongfan. Dans ce dernier chapitre, on explique le succès de Yu dans la lutte contre les inondations par le fait qu’il prend en considération ces Cinq éléments, au contraire de son père Gun qui a lui échoué. Néanmoins, comme le Shangshu fut reconstitué intégralement sous les Han, puis de moitié sous les Jin, il pourrait s’agir d’interpolations.
Premièrement, la catégorie des cinq éléments agissants est ainsi composés : 1°l’eau, 2° le feu, 3° le bois, 4° le métal et 5° la terre. L’eau est humide et descend. Le feu brûle et monte. Le bois se courbe et se redresse. Les métaux se fondent et sont susceptibles de transformation. La terre est propre aux semences et à produire des moissons. Ce qui descend est humide et a le goût salin. Ce qui brûle et s’élève a le goût amer. Ce qui se courbe et se redresse a le goût acide. Ce qui se fond et se transforme a le goût piquant et âpre. Ce qui se sème et se recueille est doux. -Hongfan, Ki-tse discourant à Di-Yu de la première des Neuf Lois Fondamentales de la Bonne Gouvernance.
Dans le Guoyu, ils sont mentionnés pour la première fois au complet comme les constituants dont l’union forme les dix-mille choses et êtres de la création. Dans le Zuo zhuan, ce sont les cinq activités. Le Xunzi en fait les cinq principes du confucéen. Dans les Annales de Lü, les Cinq éléments servent déjà de catégories générales.
À la fin des Royaumes combattants, Zou Yan développe sous le nom de Fin et début des cinq vertus une théorie expliquant les successions dynastiques par la domination des éléments les uns sur les autres. Cette notion est déjà mentionnée dans le Zuozhuan, le Mozi et le Sunzi. Ainsi, dans le Shiji, on dit que Qin Shihuang prit la succession du dernier des Zhou (dynastie de feu) parce qu’il possédait la vertu de l’eau, élément associé au Nord et à la couleur noire, d’où la rigidité et la froide cruauté de son style de gouvernement. Les Han occidentaux qui vinrent après lui possédaient la vertu de la terre, tout comme autrefois la dynastie de l’empereur Shun, qui fut remplacée par les Xia (bois), suivis eux-mêmes des Shang (métal) puis les Zhou (feu). Après les Han occidentaux (terre) vint la dynastie Xin de l’usurpateur Wang Mang qui possédait la vertu du bois. À sa chute eut lieu une lutte de succession : Guangwu, premier empereur des Han orientaux, fut désigné par une inscription prophétique rouge, comme il se doit pour un souverain de feu dominant le bois.
Sous les Han, le système achève de se former. La notion de l’engendrement mutuel, déjà évoquée dans le Guanzi, est systématisée à la fin du ier siècle av. J.-C. par Liu Xiang et Long Yin Les Cinq éléments se combinent avec le Yin et le Yang. Un système d’interprétation systématique expliquant universellement tous les phénomènes apparait dans différents textes comme le commentaire Dazhuan du Shangshu, le Huangdi Neijing ou le Baihutong.
Une représentation du fonctionnement de l’univers accordant moins de place aux cinq éléments et donnant un rôle privilégié à un Ciel doué d’intentions et de sens moral est proposée par des confucéens comme Dong Zhongshu.
Correspondances
Le Huangdi Nei Jing développe l’idée que différentes parties du corps sont en correspondance avec divers éléments de l’univers. Le chapitre 11 du Huangdi neijing lingshu pose que :
« l’homme est en union avec la voie céleste ; à l’intérieur du corps, il y a cinq viscères en correspondance avec les cinq sons, les cinq couleurs, les cinq époques, les cinq saveurs, les cinq positions » (Lingshu chap. 11 23).
Le chapitre 5 du Huangdi neijing suwen déroule l’organisation du corps et de l’univers selon les Cinq agents :
« Le quadrant oriental engendre le vent, le vent engendre le bois, le bois engendre l’acide, l’acide engendre le foie, le foie engendre le musculaire, le musculaire engendre le cœur… » (Suwen, chapitre 5 24, 25).
L’énumération se poursuit ainsi en vingt-quatre rubriques qu’il est de coutume de nos jours de présenter sous forme d’un tableau.