Le créateur du Bagua Zhang Dong Hai Chuan.
Qui était-il ?
Dong Hai Chuan (董海川/董明魁:1797-1882)
Boxeur dont la biographie est disputée par de nombreuses écoles du fait de son obscurantisme , Dong Hai Chuan serait né un 13 octobre 1813 (d’autres citent 1797, ce qui serait plus proche de la réalité) dans la province du Hebei (河北) , village de Zhu dans le comté de Wen An. Son véritable nom était Dong Ming Kui (董明魁).
Il fut connu pour avoir révélé la pratique du Bagua Quan (八卦拳) en 1866, la Chine étant alors sous le règne de l’empereur Tang Muzong (唐穆宗).
Passionné par les arts martiaux, la chasse et les bavardages avec ses amis depuis l’enfance, il devint célèbre dans sa province pour ses qualités chevaleresques car il avait à cœur de protéger la veuve et l’orphelin. Dong Hai Chuan quitta toutefois celle-ci, suite à des inondations dans son village. N’ayant pas souhaité participer aux travaux de reconstruction, il sera réprimandé par sa famille qu’il quittera également, se promettant de ne revenir qu’une fois reconnu et ayant fait fortune.
Ayant en tête l’idée de passer des examens impériaux, il se rendit bien vite à l’évidence que ses compétences martiales étaient en dessous des autres concurrents, et entreprit alors un voyage à travers la Chine afin d’améliorer ses compétences et ses habiletés en la matière.
Il défia de nombreuses écoles et Maîtres pour s’améliorer. Ces maints combats lui valurent de se faire de nombreux amis et ennemis, ce qui le poussa, afin de protéger sa famille et son clan, à muer son nom en Dong Hai Chuan…
Selon certaines sources, toutes différentes, il se rendit d’abord dans le sud de la Chine dans la province du Hebei, du Jiangsu, du Zhejiang et d’An Hui.
C’est dans les montagnes de Jiu Gong (九宮山) qu’il découvrit un jour deux taoïstes s’affrontant et pratiquant une boxe étrange basée sur la marche en cercle, changeant constamment de direction et développant leurs techniques sur le cercle même.
Alors que cette étrange façon de se mouvoir et de boxer aurait pu rebuter Dong, celui-ci s’y intéressa et se prit à observer discrètement les deux protagonistes.
Bien qu’il ait l’envie de se mesurer à eux, il se dissimula d’abord afin d’observer ceux-ci… Mais rapidement débusqué par l’un des deux taoïstes, il fut obligé de se montrer, car il est assez mal vu d’observer en Asie la pratique martiale d’une personne sans son accord ou en cachette.
Le combat fut inévitable et Dong fut vaincu facilement par cet art qui ne semblait pas suivre les conventions classiques « linéaires » des autres pratiques chinoises. Il était cependant très heureux d’avoir trouvé enfin ce qu’il cherchait au cœur de ses pérégrinations…
Dong Hai Chuan deviendra ainsi l’élève d’un des deux taoïstes nommé Bi Cheng Xia ou Bi Deng Xia, de son véritable nom Dong Meng-Lin. Ce maître était alors âgé de quarante ans.
C’est après huit années d’une pratique intensive à apprendre la marche en cercle, le Qi gong (氣功) taoïste et la technique de combat qui allait lui permettre d’élever son niveau martial qu’il quitta son maître pour réintégrer la société.
Reprenant son voyage, il s’arrêta dans la ville de Suzhou (蘇州市) où il apprit que le maire de la ville projetait d’assassiner le père d’une jeune fille qu’il convoitait. Le soir même, Dong se rendit chez le maire et le tua net, libérant ainsi de son funeste destin la jeune fille.
Il fut dès le lendemain recherché par tout le gouvernement et obligé de fuir, en direction du Henan (河南) , où il changera une nouvelle fois de nom.
À Ba Zhou (霸州) dans le Hebei (河北) , et sa foire, il surprit une brute locale en train de malmener un marchand avec sa bande. La police corrompue n’agissant pas, il intervint une nouvelle fois, et tua neuf d’entre eux.
Arrêté et jeté en prison, il fut condamné à mort. Le soir même, il explosa les chaînes qui le retenait et s’évada purement et simplement. C’est toute la province cette fois-ci qui fut à ses trousses (une province est approximativement grande comme une fois la France imaginez-vous ?). Son portrait fut diffusé partout et retourna dans le Henan (河南) à Chen Jia Gou (陈家沟 : Berceau natal du Taiji Quan du style Chen : 陳氏太極拳) chez son beau-frère Dong Yuo-Huo.
Quelques mois plus tard, il fut présenté par un des amis de son beau-frère au palais du « quatrième prince héritier », où il devint eunuque.
Les Taijian (太監) ou eunuques, sont des hommes émasculés qui deviennent serviteurs au sein du palais, et il est ici nécessaire de préciser que toute personne devenant eunuque ou prêtre bouddhiste ou taoïste à l’époque voyait ses peines de prison ou ses poursuites pénales en cours, totalement annulées.
Au cours de la dynastie Qing, cinq catégories d’eunuques existaient : Responsable général, responsable de sélection, secrétaire, messager et enfin serviteur pour les tâches ménagères. et Dong intégrera cette dernière catégorie… (à noter que d’autres faits précisent que par la suite il finit inspecteur des impôts !!!)
Muté plus tard au palais du cinquième héritier (Xiao Wang = Jeune empereur), Dong y rencontrera son premier élève, Quan Kai Ting.
Quan était son voisin et ressentait chez Dong une extraordinaire capacité et par curiosité, se mit à l’observer en secret. Un jour en l’épiant à travers un trou qu’il avait creusé, il vit Dong en train de pratiquer le Qi gong. Il lui posa immédiatement des questions mais celui-ci nia connaître quoi que ce fut en art martial.
Le soir même alors que Dong apportait le plateau de potage et de mets au prince, Quan s’empara d’un sabre et l’attaqua par-derrière. L’esquive fut immédiate, et en se retournant, il lui asséna un coup de pied.
Alors que Quan fut éjecté, le plateau n’avait pas bougé. Celui-ci se mit alors à genoux et l’implora de le prendre pour disciple. Dong refusa tout net.
Quan resta alors assis devant la chambre du Maître toute la nuit, se prosternant la tête contre le sol. Dong finit par accepter devant sa détermination. Le portrait dessiné que tous possèdent aujourd’hui fut dessiné par Quan.
Un tournant crucial dans la vie de Dong se produisit le jour où le Jeune empereur donna un grand banquet pour montrer le haut niveau dans les arts martiaux de son garde du corps personnel. Il y invita ce jour-là beaucoup de monde, et après le dîner eut lieu la démonstration où même les serviteurs furent présents.
L’on ordonna que le thé soit servi mais l’accès à la grande salle était bouché par le nombre de spectateurs. Dong décida alors de passer par l’arrière-salle en sautant le mur. La femme de l’empereur le surprit et on lui demanda des explications. Il en vint à décrire les circonstances qui l’avaient conduit ici même. Comme le prince affectionnait particulièrement les arts martiaux, on lui demanda de faire une petite démonstration.
Il prit la décision de se montrer à son plus haut niveau de pratique et à son meilleur jour. Sa démonstration dérouta tout le monde et en étonna plus d’un. Le jeune empereur demanda alors à Dong d’essayer de défaire Sha Wei Wei, son garde du corps personnel, en combat.
Dong accepta et ne laissa aucune chance à celui-ci. Le Xiao Wang fut très enthousiasmé et le nomma chef des eunuques, à la place de Sha. C’est à partir de ce moment-là que sa notoriété explosa et que beaucoup d’experts vinrent le défier en combat dont il ressortit toujours victorieux. Il finit par devenir célèbre dans la capitale et commença à recevoir quelques élèves, quoiqu’en petit nombre.
Grâce aux enseignements et aux efforts de Dong et de ses élèves, le Bagua Zhang (八卦掌) deviendra rapidement célèbre, non seulement auprès de hauts dignitaires, mais également auprès des simples citoyens.
Dong n’enseignait jamais directement le Bagua Zhang mais commençait par le Luo Han Quan (罗汉拳 :Une boxe du Shaolin). D’autres biographies rapportent qu’il ne prenait que des maîtres déjà accompli dans un autre système d’art martial chinois.
En dehors de ses élèves qui étaient entrés « dans la chambre du Maître » (ou disciples de la Porte interne), les autres élèves étaient formés par les plus anciens.
C’est en 1874, au cours de l’année, que Dong demanda à quitter le palais royal étant donné son âge avancé. L’on prétend aussi que ce fut à cause de ses fréquentations et des plaintes reçues que le Xiao Wang le licencia : de nombreuses personnes souhaitaient en effet le rencontrer et parmi elles, certaines fortes peu recommandables.
Il décida alors de vivre chez son gendre Shi Ji-Dong, qui avait épousé sa fille adoptive, celle qu’il avait sauvé en tuant le maire autrefois. C’est ainsi qu’il commença à recevoir beaucoup d’élèves.
Dong, âgé, se bornait à corriger les élèves et laissait le soin d’enseigner à ses plus anciens élèves, notamment à Cheng Ting-Hua (程廷華).
Dong Hai Chuan décéda le 15 décembre 1882 à l’âge de 85 ans, de mort naturelle. Cependant, dans son ouvrage « l’histoire secrète de Dong Hai Chuan », Li Zi Ming (李子鳴) relate qu’un jour, sa fille adoptive tomba malade. Dong s’inquiétant de sa santé s’en fit consulter le pharmacien. Attendant sa préparation, il s’assit sur la banquette et une femme vint faire de même à côté de lui. Mais par inadvertance, celle-ci s’assit sur la cordelette avec laquelle Dong attachait sa natte.
Le vieux Maître fut d’abord furieux, puis progressivement s’abattit et sombra dans la déprime. Les eunuques étaient très superstitieux et il pensait que cet acte allait lui attirer quelque malheur. Et c’est en effet ce qui se produisit : il commença depuis ce jour à soupirer sans fin et rien ne put l’apaiser. Il tomba par la suite malade et quitta le monde. ( Des personnes racontent qu’il est mort chez la mère de Yin Fu dans la pauvreté … )
Parmi les élèves principaux de Maître Dong l’on retrouve
2. Yin Fu (尹福)
3. Song Shi Rong (宋世榮)
4. Liu Feng Chun ( 劉鳳春)
5. Ma Wei Qi (馬維棋)
7. Zhang Zhao Dong (张占魁)
8. Liang Zheng Pu (梁振蒲)
Voici comment est décrite la pratique de Dong Hai Chuan
« Fondée sur les déplacements circulaires dits « marche en cercle » (走圈 : Zou Quan) ou effectuées dans les huit directions (八方不 : Ba Fang Bu), sa technique se concentre sur les manœuvres de paumes, notamment le « changement simple de paume » (单换掌 : Dan Huan Zhang) et le « changement double de la paume » (双换掌 : Shuang Huan Zhang).
Un enchaînement de huit séries de mouvements exécutés pendant la « marche en cercle », les « 8 paumes anciennes » (老八掌 : Lao Ba Zhang), formalisait l’essentiel de cet enseignement. Par la suite, certains de ses nombreux disciples (on connaît les noms de 56 d’entre eux) enrichirent ce corpus initial de techniques puisées à d’autres sources: Xing-Yi Quan (形意拳) pour les coups de poing, TanTtui (彈腿) et Chuo Jiao (戳脚) pour les coups de pied, Shuai Jiao (摔跤) pour les projections, etc…
L’on raconte qu’un grand Maître de Xing-Yi *( 形意拳) du nom de Guo Yun Shen ** (郭雲深 : 1822 – 1902) pendant 3 jours et 3 nuits combattit Dong Hai Chuan sans succès des deux côtés … La conséquence de ce match fut que les pratiquants des deux arts se respectèrent profondément et même que certaines fois ils échangèrent leurs élèves pour que ceux-ci approfondir leurs arts respectifs .
Dans une version différente de cette histoire, désirant combattre Dong Hai Chuan, Guo Yun Shen alla d’abord rendre visite à Cheng Ting Hua, un autre natif de la province du Hebei. Le disciple de Dong l’invita à dîner, et Guo souhaita lui démontrer ses « poings divins dévastateurs ». Cheng pria Guo de repenser à sa demande de vouloir défier son Maître car il n’était pas un homme ordinaire. Guo tenta de démontrer la vitesse de sa main, mais trouva celle-ci épinglée à la table par les baguettes de Cheng. Furieux, il se dirigea vers le jardin et le défia de venir goûter à la puissance de son poing broyeur. Alors que Cheng ouvrait la porte, Guo fît exploser sa colère . Cheng se retrouva en un clin d’œil derrière lui. Guo se retourna et de nouveau le frappa avec un poing écrasant. Cheng tourna sans effort derrière lui et rentra calmement dans sa maison. Il l’invita de nouveau à entrer et fini de dîner avec lui. Sa rage passée, Guo obéit. Alors qu’ils finissaient de dîner, Cheng expliqua qu’il ne voulait pas vraiment se battre contre le célèbre « inébranlable », mais que s’il pouvait éviter deux coups de poing écrasants peut-être qu’il ne devrait pas se risquer à combattre Dong Hai Chuan pour l’ajouter à ses trophées de combats. . C’est uniquement parce qu’ils sont tous originaires de la province du Hebei qu’il ne voulait voir la réputation de personne ternie. Maître Guo le remercia, repensa à la proposition de Cheng et rentra dans la province du Hebei.
Aujourd’hui, parmi les nombreuses ramifications de cet art martial, on distingue les styles issus de trois disciples majeurs du Maître:
1. Cheng Ting Hua (1848-1900)
2. Yin Fu (1841-1909)
3. Zhang Zhao Dong (1859-1940)
Toutefois il existe bien plus de courants et de variantes tels que le Yin Yang Ba Pan Zhang (陰陽八盤章) , le Youshen Bagua Zhang (游身八卦掌 Corps mouvant), le Liaoning Bagua Zhang (辽宁八卦掌) de Zhong Wei Yi, le Bagua Zhang de la famille Tian, le Wudang Zhang, etc…
Les armes spécifiques qui complètent la pratique du Bagua Zhang sont les « crochets Ziwu des canards mandarins » ( 子午鸳鸯钺 : Ziwu Yuanyang Zheng), les « pinceaux du jugement » (判官笔 : Panguan Bi), le sabre long d’1m40 ( 八卦刀 : Bagua Dao ) , les « pointes en griffes de coq » ( 八卦公雞刀 : Ji Zhua Rui), les épées faucilles ( 钩镰剑 : Goulien Jian ), les « roues vent et feu » ( 風火輪 : Fenghuo Lun) , l’épée longue d’1m40 (八卦劍 : Bagua Jian) , la lance double (八卦雙頭槍 : Bāguà shuāng tóu qiāng) etc ….
*( 形意拳 : art martial chinois interne inspiré par la philosophie taoïste. Le xingyi quan se caractérise par des mouvements explosifs percutants liés à des déplacements linéaires ou en zigzag (esquive ).
** Son habilité avec une seule technique, le Beng Quan (崩拳 : littéralement » effondrement « ) fut légendaire et on disait de lui qu’« avec son Beng Quan et un demi pas, il renversait la terre entière » (半步崩拳大於天下無敵手). Il était surnommé l’« inébranlable » (不動達).
Ps : ci-dessous les photos de sa tombe
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