Monstres et fantômes chinois (中國怪物和鬼)
Au mois d’octobre a lieu la fête païenne d’Halloween, suivie de la catholique Toussaint, qui marquent l’entrée dans l’hiver dans nos cultures occidentales. Ces fêtes des morts et monstres surnaturels ne sont pas véritablement célébrées en Chine, toutefois, dans le folklore chinois, nous retrouvons toute une mythologie horrifique surprenante pour cette civilisation à bien des égards pragmatique. Voici un petite plongée dans le monde des esprits, de l’épouvante et du fantastique chinois.
A l’origine, le culte des ancêtres…
Présent depuis l’antiquité, ce culte ancestral était réservé à l’origine aux souverains et aux seigneurs. On célèbre le chef, le héros, le père, l’homme illustre au-dessus de tous les autres. Il joue un rôle central dans la pensée et dans les pratiques religieuses de la civilisation chinoise et a perduré en cohabitant avec les spiritualités taoïste, bouddhiste, islamique et durant toute la période communiste. Cette pratique immémoriale entretient une proximité forte avec la pensée confucéenne qui insiste sur la piété filiale. Les liens de communication entre les vivants et les morts doivent être entretenus et célébrés. L’ancêtre se voit offrir des sacrifices de nourriture au moment des fêtes, de l’anniversaire du défunt ou de l’ancêtre légendaire d’une famille et parfois, offrir des petites bouchées avant les repas.
La tablette funéraire de l’ancêtre, portant le nom et la date de naissance du défunt, se trouve traditionnellement dans la salle principale de la maison, ou dans le temple ancestral de la famille, voire du clan. Il est de coutume de brûler de l’encens et du papier-monnaie. Des visites au cimetière font également partie du culte, particulièrement pour le nettoyage au moment du Qingmingjie. En perpétuant ainsi la mémoire de ses ancêtres, les descendants s’assurent de leurs bénédictions et de leur bienveillance envers la famille. Garant et symbole de l’ordre moral, leur présence quotidienne rappelle à chacun ses devoirs et les modèles de vie à suivre.
Les autels familiaux ont tendance à disparaître dans les maisons modernes. On trouve encore de nos jours, ces petits autels domestiques dans certains restaurants ou habitations chinoises mais davantage à la campagne que dans les grands centres urbains. Il est possible également de visiter d’anciens temples des ancêtres de grandes familles locales parfois fusionnés avec le temple taoïste ou celui dédié à Confucius.
Mon coup de coeur : Le Temple des ancêtres de la famille Chen, Canton.
Magnifique ensemble architectural construit en 1894, ce temple renferme neuf salles, six cours intérieures et dix-neuf bâtiments reliés par des corridors. Le style des décorations et son incroyable diversité en font une architecture unique en son genre ! Adresse : 7, Zhongstan Qilu, Guangzhou
Connaissez-vous la fête chinoise des fantômes ?
La Fête des fantômes (zhongyuanjie 中元节) a lieu chaque année le 15ème jour du septième mois lunaire, dit « mois des fantômes ». Pendant cette période, les esprits n’ayant pas pu trouver la paix reviennent sur terre. N’ayant pas reçu suffisamment de culte de leur famille, âmes solitaires, morts loin de leur pays natal, mort violente ou mauvaise conduite, les raisons de leur errance sont multiples. Ils sont susceptibles de jouer des mauvais tours, d’affecter la santé, ou d’attirer la malchance. Pour les aider à s’apaiser, les vivants doivent leur offrir des repas réconfortants, des banquets nocturnes et des cérémonies.
Devant les temples, on installe une longue table pour que chacun y dépose ses offrandes. Pour être certain de satisfaire à la demande, on fait appel à des moines bouddhistes et taoïstes pour des récitations de sutras qui ont le pouvoir de multiplier la nourriture fantomatique. Trois effigies divines en papier doivent contenir les fantômes trop turbulents : le Dieu des montagnes, le Dieu de la Terre et le Roi des fantômes.
Petite sélection de monstres, démons et fantômes chinois
Le folklore chinois comprend une grande variété de créatures surnaturelles, issues de légendes locales, du culte des ancêtres, de textes bouddhiques ou taoïstes.
Les Démons-Juges des Enfers
Selon les croyances chinoises, les Enfers, ou Prisons terrestres, diyu 地狱, sont au nombre de dix et sont gouvernés par dix personnages, que l’on appelle les Rois Yama des dix Tribunaux, Shidian Yanwang, ou plus simplement les Dix Rois, Shiwang, tout court sans autre désignation. Chacun d’eux est le maître d’un enfer particulier, où, comme dans les cercles de Dante, on punit exclusivement certaines fautes déterminées par des châtiments fixés.
C’est le Bouddhisme qui a fourni le fond du tableau du monde infernal, et il a apporté avec lui l’antique dieu des morts indo-iranien, Yama, en sorte qu’aujourd’hui, presque oublié dans ses pays d’origine, il a ses statues dans d’innombrables temples de Chine. Le monde des morts tel que se l’était représenté la vieille religion chinoise était trop vague, et ce qu’on en savait était trop aristocratique pour que la conception toute morale des enfers bouddhiques et leurs descriptions précises n’en prissent pas la place rapidement. Dès le VIe siècle de notre ère, la croyance nouvelle était si populaire que, lorsque mourut Han Qin, un ministre de l’empereur des Sui (592), le bruit se répandit qu’il était devenu le Roi Yama dans les enfers.
Si les livres bouddhiques apportaient une vue d’ensemble des enfers, ils variaient considérablement sur les détails. En particulier ils ne s’accordent pas sur le nombre et la disposition des lieux de supplice : suivant certains, il y a huit enfers chauds et huit enfers froids ; suivant d’autres, il y a en tout dix huit enfers ; d’autres déclarent qu’il y en a huit grands, de chacun desquels dépendent seize petits, ce qui fait en tout cent trente-six enfers, etc. Ces divergences ne contentèrent pas les Chinois, gens positifs, qui tenaient à être fixés exactement sur le monde infernal où il leur faudrait aller habiter un jour et à se familiariser d’avance avec tout ce qui s’y passe. Aussi y a t il longtemps que les Taoïstes, en copiant les grandes lignes de l’organisation des enfers bouddhiques, ont fixé le nombre des juges infernaux à dix (les souverains des huit enfers, plus un roi qui juge à l’entrée et répartit les âmes entre les différents lieux de supplice, et un autre roi qui juge à la sortie et répartit les âmes par les différentes voies de la transmigration), et leur système a été adopté dans un livre bouddhique maintenant perdu, mais qui fut en son temps très populaire, un faux du reste, oeuvre d’un bonze de Chengdu, le Livre des Dix Rois, Shiwang jing. Aujourd’hui, c’est d’ouvrages d’édification analogues modernes que les gens du peuple et en général tous ceux qui ne sont pas des religieux réguliers soit bouddhistes, soit taoïstes, tirent la plupart de leurs notions sur les enfers et les juges infernaux : le plus complet est le Yuli chaozhuan, qui décrit en détail les enfers et leurs subdivisions ; un autre ouvrage, également très répandu, raconte la descente aux enfers d’un jeune lettré de vie pure arrêté à tort, ses conversations avec les rois infernaux, les scènes qu’il lui fut permis de voir et finalement son renvoi sur terre, où il revint à la vie après plusieurs jours de mort apparente. Il faut y ajouter le chapitre du célèbre roman le Voyage en Occident (Le Singe Pèlerin), où est racontée la descente aux enfers de l’empereur Taizong des Tang .
Le premier des Dix Rois est non seulement le souverain du premier enfer, mais aussi le chef des neuf autres rois, et le maître suprême du monde infernal, naturellement sous la dépendance de l’Auguste de Jade, et de son régent terrestre le Grand Empereur du Pic de l’Est. C’était, primitivement, dit on, Yama lui-même, Yanluowang ou Yanwang, comme son nom est prononcé en chinois, qui jadis occupait cette place. Mais il se montrait trop miséricordieux envers les criminels qui lui arrivaient : il leur permettait trop souvent de retourner sur terre quelques jours pour accomplir de bonnes œuvres et racheter ainsi leurs fautes, en sorte que les autres juges ne voyaient plus jamais personne se présenter à leur tribunal et que les méchants n’étaient pas punis. L’Auguste de Jade, pour le châtier, le dégrada de son rang suprême et l’envoya gouverner le cinquième enfer.
Actuellement, c’est Qinguangwang qui remplit cet office. C’est à lui que les morts sont amenés en premier lieu ; il examine l’ensemble de leurs fautes, et les âmes pour lesquelles il trouve que mérites et démérites se compensent sont renvoyées renaître en ce monde sans qu’il leur soit infligé de peines. Pour celles des coupables, il les fait conduire sur la Terrasse du Miroir des Méchants, Xiejing tai : on leur présente un immense miroir où leur apparaissent toutes leurs victimes, êtres vivants qu’ils ont mis à mort, etc. ; puis elles sont menées aux autres rois qui doivent, chacun à leur tour, les juger et les châtier. C’est aussi lui qui renvoie sur terre, comme démons affamés, les âmes des suicidés, jusqu’à ce que soit achevé le temps de vie qui leur était alloué par le Ciel et qu’elles ont raccourci d’elles mêmes, à moins qu’elles n’aient une excuse sérieuse à présenter, loyalisme envers le prince, piété filiale, chasteté pour les jeunes filles et les veuves, etc. A leur retour, elles sont expédiées à la Ville des Morts par Accident, wangsicheng, dont on ne sort jamais pour renaître. Cependant on croit couramment qu’elles obtiendront de pouvoir revenir naître sur terre, quand elles auront trouvé un remplaçant : c’est pourquoi les âmes des noyés cherchent à faire noyer ceux qui passent la rivière, les âmes des pendus à persuader de se pendre tous ceux qui sont à leur portée, etc. On croit généralement aussi, bien que tous les tracts religieux, aussi bien taoïstes que bouddhistes, fassent ce qu’ils peuvent pour déraciner cette croyance, que le même sort attend non seulement les suicidés, mais tous les morts par accident même involontaire. Le premier roi est le grand juge, mais il ne châtie directement personne ; cependant il garde quelque temps les religieux malhonnêtes qu’il fait enfermer dans un cachot obscur et à qui il impose de terminer la récitation de toutes les prières qu’ils ont négligées pendant leur vie après s’être engagées à les dire.
Le deuxième roi, Chujiangwang, châtie les entremetteurs et les entremetteuses malhonnêtes (on sait que ce sont des intermédiaires absolument nécessaires pour qu’un mariage soit valable en Chine), les dépositaires infidèles, les médecins ignorants, ceux qui ont blessé ou mutilé des personnes ou des animaux, etc. Dans les seize sous enfers particuliers qu’il a sous sa juridiction, les châtiments sont très variés. Il y a un bagne des Affamés (les preta bouddhiques), en face duquel on a mis par symétrie un bagne des Assoiffés ; il y en a d’autres où les morts sont dépecés comme des animaux de boucherie, où ils sont dévorés par des bêtes fauves, où ils sont liés à une colonne ardente, où ils sont ensevelis dans un étang de glace, etc.
Dans le troisième enfer, Songdiwang châtie les mandarins prévaricateurs et tous ceux qui ont mal agi envers leurs supérieurs, femmes acariâtres avec leurs maris, esclaves qui ont nui à leurs patrons, employés déloyaux, condamnés qui ont échappé à la justice, et aussi les faussaires, les calomniateurs, ceux qui vendent le terrain de sépulture de famille. Aux uns on broie les genoux, aux autres on arrache le coeur ou les yeux, ou on coupe les pieds, ou les mains ; d’autres sont suspendus la tête en bas, d’autres écorchés, ou encore ensevelis dans la vermine, etc.
Le quatrième enfer, celui de Wuguanwang, est celui où l’on punit les riches avares qui ne font pas l’aumône, ainsi que les gens qui, connaissant les recettes pour guérir les maladies, ne les font pas connaître ; les fraudeurs, faux monnayeurs, fabricants de faux poids et mesures, ou marchands qui se servent de fausse monnaie ou de faux poids, ceux qui déplacent les bornes des champs, les blasphémateurs, ceux qui volent dans les pagodes, etc. Les damnés sont emportés par un torrent, ou ils sont agenouillés sur des bambous aiguisés, ou ils doivent rester assis sur des pointes. Certains sont vêtus d’habits de fer ; d’autres sont écrasés sous des poutres ou des rochers ; d’autres sont ensevelis vivants ; à d’autres on fait manger de la chaux vive ou bien des drogues bouillantes. Là se trouve aussi le Lac de Sang Fétide, où sont plongées les femmes mortes en couches pour ne jamais en sortir ; la croyance populaire est plus dure que les théories bouddhiques et taoïques qui essaient en vain de lutter contre elle, et on essaie parfois de la justifier en expliquant que, pour mourir en couches, il faut qu’une femme ait commis des crimes très graves, sinon dans cette vie, au moins dans une vie antérieure.
Le cinquième enfer est celui du Roi Yama, Yanluowang. C’est là que sont châtiés les plus grands péchés religieux, mise à mort d’êtres vivants, incrédulité, destruction de livres de piété, etc. ; les religieux qui ont manqué à leurs voeux, et surtout les chasseurs, les pêcheurs, les bouchers sont punis là ; là aussi reçoivent leur châtiment la luxure, la séduction, le rapt et tout ce qui touche à la prostitution, etc. Les coupables sont d’abord envoyés à la Terrasse d’où l’on regarde vers son village, Wangxiangtai : de là, ils voient les malheurs qui ont fondu sur leur famille depuis leur mort et dont la cause est dans les démérites qu’ils ont accumulés. Puis ils sont conduits chacun dans un des seize sous enfers particuliers, où les uns, assis sur un siège de fer et liés à une colonne de fer, ont la poitrine ouverte, le coeur arraché, coupé en morceaux et jeté aux bêtes, tandis que d’autres sont coupés en morceaux sous un grand tranchoir, etc.
Dans le sixième enfer, le roi de Biancheng punit tous les sacrilèges : ceux qui maudissent le ciel, la terre, le vent ou la pluie, le chaud ou le froid, ceux qui manquent de respect aux dieux, fondent leurs statues pour en faire des sapèques ou en vendre le métal, déposent des ordures près des temples ou tournés vers la Grande Ourse, qui tissent ou impriment sur des étoffes d’usage profane les noms des dieux ou simplement des dragons ou des phénix, etc. ; ceux qui conservent des livres obscènes. Les châtiments consistent à être écrasé par un rouleau, ou scié entre deux planches, ou écorché vif et empaillé ; quelques uns sont plongés dans une mare de boue et d’immondices ; d’autres sont rongés par les rats ou dévorés par les sauterelles ; à d’autres on introduit des torches allumées dans la bouche, etc.
Le septième enfer est celui du roi du Pic de l’Est, Taishan junwang, le prince héritier taizi du Roi Yama. Le nom garde le souvenir d’un temps (aux environs de l’ère chrétienne), où la religion populaire avait fait du Dieu du Pic de l’Est, présidant à la Vie et à la Mort, le souverain d’un monde des morts s’étendant au dessous de sa montagne ; mais ce n’est qu’une survivance onomastique ; actuellement, le roi du septième enfer est considéré, malgré la ressemblance des titres, comme une divinité toute différente. C’est lui qui châtie ceux qui violent les sépultures, qui vendent ou mangent de la chair humaine, ou l’utilisent pour faire des médicaments, ceux qui vendent leur fiancée comme esclave, etc. Les uns sont plongés dans des chaudières d’huile bouillante ; d’autres sont dévorés par les bêtes : des chiens leur rongent les jambes ; on leur arrache la peau pour la donner à manger aux cochons ; des vautours les dévorent, des mules les foulent aux pieds ; à d’autres les démons ouvrent le ventre pour leur dévider les intestins, etc.
Dans le huitième enfer, celui du roi de Pingdeng, sont punis principalement ceux qui ont manqué à la piété filiale, les damnés sont broyés sous des roues de char ; on leur arrache la langue ; ils sont plongés dans la fosse des latrines ; on leur enfonce des clous dans la tête ; ils sont dépecés en dix mille morceaux, etc.
Le neuvième enfer, domaine du roi de Dushi, est celui des incendiaires, des avorteurs, des peintres ou écrivains obscènes, et de ceux qui regardent ou lisent leurs oeuvres. Parmi ses seize petits enfers, il y en a où les âmes sont dévorées par des guêpes, des fourmis, des scorpions, des serpents ; dans d’autres, elles sont moulues dans une meule à grain ; ou bien les démons leur cuisent la tête à l’étuvée, ou ils leur enlèvent le cerveau et le remplacent par un hérisson, etc. C’est aussi de ce roi que dépend la Ville des Morts par Accident, où sont envoyés tous ceux qui se sont donné la mort sans raison ; leur châtiment consiste à renouveler éternellement leur suicide et à ne jamais renaître. Là aussi sont reléguées toutes les âmes qui, ayant commis des crimes graves aux enfers, sont punies de mort et, après exécution, cessent d’être des âmes, gui, pour devenir des ombres d’âmes, jian, incapables de renaître. La Ville des Morts par Accident est un lieu dont nul ne sort : quiconque y est enfermé n’a plus, comme les autres damnés, l’espérance de voir un jour finir sa peine et de retourner en ce monde.
Enfin le dixième roi est le Roi qui fait tourner la Roue (de la transmigration), Zhuanlun wang. De même que le premier, il ne commande à aucun lieu de supplices : c’est lui qui décide des transmigrations à la sortie des enfers. Il a quatre vingts bureaux où d’innombrables employés tiennent les comptes des réincarnations ; comme dans ceux du Pic de l’Est, ce sont des esprits des morts qui en occupent les fonctions. Il juge, d’après les actes commis antérieurement, du sort de l’âme : si elle renaîtra homme ou animal, quel sera son rang, son bonheur, etc. Puis l’âme quittant le tribunal du Roi est conduite devant la Dame Meng, Mengpo niangniang, qui fabrique le Bouillon d’Oubli. Dame Meng est une femme qui vécut sous la dynastie des Han et qui, ayant refusé de se marier et ayant pratiqué toute sa vie les interdictions de tuer des êtres vivants et de manger des aliments gras, obtint l’immortalité et fut installée à la sortie des enfers pour y remplir cette fonction. Elle habite un grand bâtiment, avec une salle principale, où elle se tient comme à un tribunal, et de nombreuses salles secondaires ; c’est dans celles ci que les bols de bouillon sont préparés d’avance. Des démons séparent les esprits des hommes de ceux des femmes, puis ils les font boire de gré ou de force, de façon que toute mémoire des enfers est abolie au moment de retourner sur terre pour y renaître sous une forme quelconque. Le bol de bouillon avalé, l’âme est dirigée vers le Pont de la Douleur, Kuchuqiao, jeté sur un fleuve d’eau de couleur vermillon ; là l’attendent les deux démons La Vie n’est pas Longue et La Mort est-Proche ; ils la précipitent dans les eaux du fleuve, qui l’emportent vers une nouvelle naissance.
De grandes peintures murales représentent dans les temples bouddhiques la Roue de la Naissance et de la Mort, Shengsilun : c’est un tableau où sont figurées les renaissances parmi les diverses espèces d’êtres vivants, en rétribution des actes bons ou mauvais accomplis dans la ou les existences précédentes. D’après la plupart des livres bouddhiques, il y a six voies des naissances, liuqiu (gati) : trois bonnes voies, naissance parmi les dieux (grands mérites), parmi les hommes (mérites moyens), parmi les Asura (faibles mérites), et trois mauvaises voies, naissance aux enfers (grands démérites), parmi les démons affamés (démérites moyens), parmi les animaux (démérites faibles). Mais certains ouvrages n’en comptent que cinq, qui sont les mêmes sauf celle des Asura ; il y a ainsi trois mauvaises voies et deux bonnes. C’est ce dernier système qu’avaient adopté les peintres hindous, et qui est décrit dans les Livres de Discipline (Vinaya) comme étant celui que le Bouddha lui-même a ordonné de peindre au dessus de certaines portes du monastère.
« Il faut faire un cercle en forme de roue. Au milieu, placez l’essieu, puis faites cinq rayons pour séparer les représentations des cinq voies : en bas de l’essieu l’enfer, et, des deux côtés, les démons affamés et les animaux ; au dessus, il faut peindre les hommes et les dieux. L’essieu doit être enduit de couleur blanche et, sur ce fond, il faut dessiner un Bouddha, et, devant l’image de ce Bouddha, trois formes : un pigeon pour symboliser la convoitise, un serpent pour symboliser la colère, un porc pour symboliser l’ignorance. Sur la jante il faut représenter les douze causes qui produisent la naissance et la mort. En dehors le grand démon Impermanence, les cheveux épars, la bouche ouverte, les bras étendus, embrassant la Roue. »
Les peintres chinois se conforment en général au modèle rituel : souvent, cependant, ils tiennent à ce que les tableaux des voies extrêmes se répondent, celui du paradis à la partie supérieure avec ses jardins et ses pavillons où se promènent les dieux, en face de celui de l’enfer à la partie inférieure, avec son tribunal où sont conduits les damnés et ses cours de supplices où ils sont châtiés ; et dans ce cas, les tableaux des voies des Démons Affamés et des Animaux sont nécessairement rejetés tous deux d’un même côté pour faire pendant à celui de la voie des Hommes. Mais cette disposition fait souvent place à une division symétrique en six parties, où quelquefois, mais rarement, les Asuras, reprenant leur place, luttent avec les dieux.
Dans l’imagerie populaire, la division en six voies a pris le dessus, grâce à la disposition symétrique qu’elle permet ; mais les six voies sont rarement en conformité avec la tradition bouddhique ; à côté des enfers des dieux, des humains et animaux qui ne changent pas, on trouve souvent les Asuras remplacés par les divinités terrestres chinoises et les Pretas (démons affamés) par des mendiants humains ; ou bien les animaux à poil, les oiseaux, les poissons, les insectes sont séparés dans des compartiments spéciaux.
Mogwai 魔鬼 ou Monstre :
Le mogwai est une espèce de lutin qui possède des pouvoirs surnaturels, qu’il utilise souvent pour faire du tort aux humains. Ces petits montres ont la fâcheuse manie de se reproduire pendant les nuits pluvieuses… Cela ne vous rappelle rien ?
La Renarde aux 9 queues 九尾狐
Les Esprits Renard peuvent être bons ou mauvais. Ils apparaissent généralement sous les traits de belles et jeunes femmes. Elles séduisent les hommes, pour ensuite manger leur cœur (ou leur foie) et ainsi conserver leur belle apparence et leur immortalité, parfois même devenir humaines. Mais toutes ne sont pas mauvaises ! Certaines légendes chinoises racontent des histoires de Renardes à neuf queues généreuses et amicales.
Le Jiangshi ou Vampire 殭屍
Un jiangshi (« cadavre ») serait un humain à l’aspect cadavérique, contrôlé par des prêtres taoïstes et tentant de dévorer les vivants ou d’absorber leur Qi. C’est un peu un mix entre le zombie et le vampire. Ils sont toujours représentés en habit de fonctionnaire de la dynastie Qing avec un talisman Fu collé sur le front pour les contrôler. Ils se déplacent par bonds, ce qui a tendance a les rendre plus comiques qu’effrayants…
Zhong Kui 馗
Le Roi des fantômes
La légende raconte que Zhong Kui est le fantôme d’un homme qui n’a pas réussi les examens de la fonction publique et s’est suicidé. Il est ensuite devenu un chasseur de fantômes à la demande du Roi des Enfers. Il lui donna alors le titre de « Roi des fantômes » et lui demanda de prendre en charge et de maintenir la discipline et l’ordre dans le monde des fantômes. Décrit comme un homme féroce au visage noir et à la barbe comique brandissant une épée magique, des portraits de lui sont accrochés dans les maisons chinoises à la fin de l’année lunaire pour effrayer les mauvais esprits et les démons.
Diao si gui 吊死鬼
Ce sont les fantômes de personnes mortes par pendaison pour diverses raisons (exécution, suicide, accident). Ils sont généralement représentés avec de longues langues rouges qui sortent de la bouche et tentent de nous séduire… Cela ne doit pas être évident à priori !
E gui 餓鬼
Il s’agit des « fantômes affamés » qui font partie du cortège de revenants à sustenter lors de la Fêtes des Fantômes. Esprits des personnes cupides, ils ont été condamnés à souffrir de la faim après leur mort. Les e gui sont généralement décrits comme ayant une peau verte, une bouche trop petite pour ingérer des aliments et un gros ventre. Ce fantôme souffre d’une faim insatiable et se promène dans les rues et les cuisines à la recherche d’aliments décomposés, de déchets ou de chair pourrie. Voilà qui pourrait aider au recyclage !
Gui po 鬼婆
Il s’agit de fantômes qui prennent la forme d’une vieille femme paisible et conviviale. Ils peuvent être les esprits des « ayi » qui travaillaient comme domestiques dans les familles riches. Ils reviennent pour aider leurs anciens maîtres en matière d’entretien ménager ou pour s’occuper de jeunes enfants et de bébés. Vous n’allez plus voir votre ayi de la même façon !
Heibai Wuchang 無常
Ces deux divinités sont chargées d’escorter les esprits des morts aux Enfers. Ils sont parfois vénérés comme des divinités de la fortune : selon la personne qu’il rencontre, le Wuchang Gui peut apparaître soit comme une divinité qui récompense la personne pour ses bonnes actions, soit comme une divinité malveillante qui punit pour avoir commis le mal.
Yanluowang 阎罗王
Voici le Roi des Enfers en personne. Le roi des Enfers dirige un petit personnel de démons souvent représentés avec une face animale, chargés de capturer les âmes méchantes et de tourmenter les damnés. Ce sont eux-mêmes des créatures ayant mal tourné ; leur fonction est ainsi une sorte de punition. À l’issue de leur peine, qui peut parfois être très longue, les âmes sont réinsérées dans le cycle des réincarnations après l’absorption d’une potion d’oubli.
Nü gui 女鬼
Voici un fantôme féminin mystérieux aux cheveux longs et à la robe blanche. Il s’agit de l’esprit d’une femme qui s’est suicidée après avoir été battue par son mari ou abusée sexuellement. Elle revient pour se venger.
Shui gui 水鬼
Ce sont les esprits des personnes qui se sont noyées. Ils se cachent dans l’eau, à l’endroit où ils sont morts, entraînent leurs victimes sans méfiance sous l’eau et les noient pour s’emparer de leurs corps, et les remplacer dans la vie réelle.
Wutou gui 頭 鬼
Ces fantômes sans tête errent sans but. Ce sont les esprits de personnes tuées par décapitation. Le wutou gui aborde les gens la nuit et leur demande où est sa tête… Ils sont parfois décrits portant leur tête sur le côté.
-Yuan gui 冤鬼
Voici les esprits des personnes victimes d’injustice. Ces fantômes ne peuvent ni reposer en paix ni se réincarner.. Ils parcourent le monde des vivants, déprimés et inquiets, et cherchent constamment à faire justice. Dans certains récits, ces fantômes approchent des personnes vivantes et tentent de communiquer avec elles pour les amener à des indices ou des preuves. Il faut alors essayer de les aider à laver leurs honneurs ou faire en sorte que justice soit rendue.
Zhi ren 金童玉女
Ces flippantes petites poupées sont fabriquées à partir de papier et brûlées comme des offrandes aux morts pour devenir les serviteurs du défunt. Elles vont généralement par deux – un homme et une femme – et ne sont pas exactement des esprits elles-mêmes, mais elles peuvent faire ce que leur demandent leurs maîtres décédés.
Même les fantômes ont droit à l’amour !
Le » minghun » (冥婚), le mariage des fantômes, est une tradition millénaire en Chine particulièrement dans les régions rurales du nord du pays. Selon la croyance populaire, le défunt ou défunte célibataire ne pourra véritablement trouver le bonheur après sa mort qu’en trouvant un « conjoint fantôme ». Ces mariages de fantômes sont de plus en plus nombreux en Chine, et les familles sont prêtes à débourser des petites fortunes pour trouver chaussure au pied de leurs disparus. La demande est telle que l’on assiste à un véritable trafic de dépouilles ! Les vols de dépouilles se multiplient dans toute la Chine et chaque année de véritables réseaux de pilleurs de tombes sont démantelés.
Les lieux hantés de Chine à visiter
L’ancienne résidence de Cao Xueqin, Pékin
Le grand écrivain de la dynastie Qing y écrivit Le Rêve dans le Pavillon Rouge, l’un des quatre grands romans classiques de la littérature chinoise. Des habitants du voisinage prétendent y entendre parfois la nuit le son spectral d’instruments traditionnels accompagnés d’une femme récitant de la poésie.
Le manoir du Prince Gong, Pékin
Ce manoir du district de Xicheng avait pour premier propriétaire He Shen, un responsable de la dynastie Qing réputé pour son extrême malhonnêteté, et qui comptait 80 concubines. Les habitants affirment qu’il est hanté par le fantôme de sa femme, décédée des suites de sa longue dépression causée par la mort de leur plus jeune fils au cours d’une bataille.
Nam Koo Terrace, Hong Kong
Selon des témoins, des fantômes féminins hanteraient ce bâtiment historique situé à Wan Chai, depuis l’époque où il aurait servi de caserne pour l’armée japonaise…
Le complexe communautaire Sai Ying Pun, Hong Kong
Cet ancien dortoir pour les infirmières avant la Seconde Guerre mondiale, puis lieu d’exécution par l’armée japonaise pendant la guerre, pour finir en hôpital psychiatrique de l’après-guerre jusqu’aux années 1970 serait hanté… Allez savoir pourquoi !
Le Qiu Mansion, Shanghai.
Construites de façon identique par deux frères paysans devenus millionnaires au début du XXème siècle, ils y jouissaient d’un style de vie somptueux, avec un jardin peuplé de paons, de tigres et de crocodile. L’un des hôtels a été rasé dans les années 50 et, pour faire place à de nouvelles tours, le dernier hôtel devait être transféré dans un nouvel emplacement en 2009. C’est à partir de ce moment que des ouvriers ont prétendu avoir été victimes de morsures d’animaux étranges…
Wukang Mansion, Shanghai.
Conseils de films pour une soirée d’effrois… ou de fous rires
Mr Vampire, de Ricky Lau 殭屍先生
Voici un film culte de kung-fu horror comedy, genre créé en 1980 par le célèbre Sammo Hung (洪金寶) , grand ami de Jackie Chan (陳港生) , avec qui il a été formé à l’école de l’Opéra de Pékin. Les vampires sont prétextes à des scènes à la théâtralité bouffonne, pleines d’absurdité et d’humour potache. Ces Jiangshi ont un talisman sur le visage qui les immobilise, si on le retire, ils deviennent complètement enragés, sautent, ou font du kung-fu…
Histoires de fantômes chinois 倩女幽魂
de Tsui Hark
Ning est un jeune inspecteur des impôts. Un soir, voulant fuir une horde de loups, il se réfugie dans un temple abandonné. Il y rencontre une belle et envoûtante jeune femme. Mais le lieu est le repaire de fantômes maléfiques, combattus par le talentueux moine taoïste Yen. Ce film culte est célébrissime ! A la fois comique, sombre et lyrique, il alterne une multiplicité de registres.
The Eye, de Danny et Oxyde Pang 見鬼
Aveugle depuis son enfance, Mann recouvre la vue grâce à une transplantation expérimentale de cornée. Mais depuis l’opération, des événements inexplicables perturbent son existence, des ombres qui surgissent sans crier gare dans son champ de vision pour lui prédire des morts à venir. Pas forcément le plus original mais très efficace ! The Eye a connu plusieurs suites et a fait l’objet d’un remake de Xavier Palud et David Moreau, avec Jessica Alba.
A lire sous la couette
Les Contes étranges du studio du bavard, de Pu Songling.
Le Liaozhai zhiyi (聊斋志异) appelé également Récits extraordinaires du Pavillon des Loisirs, est un recueil de contes fantastiques écrit sous la dynastie Qing et faisant intervenir des êtres surnaturels. Il a été écrit par par Pu Songling (蒲松齡) né le à Zichuan (maintenant Zibo) dans la province de Shandong, mort le à Zichuan,. L’un des thèmes récurrent est celui du lettré séduit par un fantôme ou par la femme renarde , plus souvent décrit comme bienveillant que féroce, mais néanmoins dangereux de par sa nature Yin. Ces contes ont été de nombreuses fois adaptés à l’écran, notamment l’histoire de « la Femme à la peau peinte. »
Ce dont le Maître ne parlait pas, de Yuan Mei.
Yuan Mei (袁枚, 1716-1797) est un écrivain chinois de la dynastie des Qing. Il mène une carrière de fonctionnaire. Il se retire ensuite dans un jardin, qu’il a fait construire, pour y écrire poèmes et récits. Il occupe une place originale dans l’histoire de la littérature chinoise sous les Qing. Ses audaces, sa conduite scandaleuse, sa liberté de pensée et sa créativité poétique, lui ont valu une grande popularité. Cent trente-cinq récits de rêves étranges nous sont racontés : revenants, morts-vivants, descentes aux enfers, ensorcellements, de possessions…Le Voyage en Occident, de Wu Cheng’en
Dans ce grand classique de la littérature chinoise, le célèbre Roi des Singes Sun Wukong affronte une série d’épreuves lors de son voyage en compagnie du moine Xuanzang. Ils rencontrent et combattent tout un florilège de démons, monstres et esprits divers.
Le Shanhaijing ou Classique
des montagnes et des mers, attribué à Yu le Grand
Il s’agit d’un recueil de données géographiques et de légendes de l’Antiquité chinoise composé entre les Royaumes combattants et les Han. C’est la source principale des mythes chinois anciens encore très populaires.